lillyinthevallee

Les humeurs de Marie-Claire, Habib Selmi, Actes Sud.

Superbe sensualité !

Une histoire d'amour qui pourrait ressembler à beaucoup d'autres, sauf que... Ici tout se joue sur un registre olfactif pas banal.  Une jeune française tombe amoureuse d'un prof de littérature tunisien. C'est lui qui raconte leur coup de foudre. On sait dès le début que c'est fini, il se souvient, sans nostalgie, avec un plaisir presque gourmand. Car l'originalité de cette passion est sa sensualité dévorante. Pas celle du regard ni celle du toucher mais, plus rare, celle de l'odorat. Mahfouz respire Marie Claire, il hume son corps, ses effluves, son parfum de femme. Il tombe amoureux fou de sa "sueur propre". Il cherche sa trace olfactive partout où elle passe, sur tout ce qu'elle porte ou touche. Son oreiller est le réceptacle de bien des émotions et de tourments. Peu à peu il devient totalement obsédé jour et nuit par son odeur. Le passage où il la guette devant la porte du bureau de poste tel un chien de piste, c'est quelque chose d'étonnant. Tous les bonheurs ou déceptions de Mahfouz se jouent sur cette gamme de parfums riche et variée. Il accepte tous les caprices de Marie-Claire. L'expression "elle le mène par le bout du nez" prend ici tout son sens. Ce roman parle avec finesse de la part animale qui sommeille en chacun de nous et, plus classiquement, celui des différences de cultures, origines, chemins de vie. Les sautes d'humeur et ses senteurs de Marie-Claire réveillent chez Mahfouz le souvenir des autres femmes aimées et surtout celui de sa mère, son enfance, son pays. Elles titillent aussi sa virilité  et bousculent ses traditions où l'homme a une place dominante. L'auteur écrit avec sensualité et pudeur, simplicité et recherche, tendresse et émerveillement. Le titre joue habilement avec le mot "humeur" qui définit aussi bien les états d'âmes que les fluides du corps tel que le sang, la bile ou la sueur. On en ressort étourdi et ravi.

J'ai adoré : le quotidien de cette histoire simple et compliquée, les méandres de cette passion envoûtante, la très belle écriture de l'auteur simple, dépouillée et si évocatrice. 

Les humeurs de Marie-Claire, Habib Selmi, Actes Sud. Très joliment traduit de l'arabe (Tunisie) par Françoise Neyrod. 192 p 18,80 €. En vente sur mon blog.   

Habib Selmi né en 1951 est agrégé d'arabe. Tunisien il vit à Paris depuis 1983. Il a publié sept romans et deux recueils de nouvelles. Il figure parmi les meilleurs écrivains tunisiens de langue arabe.     

Pas aimé le film "Je n'ai rien oublié"

Très librement adapté du roman Small  World de Martin Suter, le film de Bruno Chiche transpire l'ennui et la fatigue. Tout le monde semble en bout de course. Gérard Depardieu somnole comme un bon gros chien au coin du feu, Niels Arestrup rêve d'en faire autant et les autres comédiens sont insignifiants. Il n'y a que Françoise Fabian qui réveille l'ambiance... Et pourtant le roman est épatant. Une histoire de famille comme on les adore : des gens trop riches pour être honnêtes. Comme dans tous les romans de Martin Suter nous sommes dans la très chic et feutrée haute bourgeoisie suisse. Konrad dit Koni, soixante ans, picole trop et perd doucement la boule. Il a quelques oublis. Il est gardien de la belle villa à Corfou de la famille Koch quand par étourderie il laisse le feu la dévaster en une nuit. Rapatrié en Suisse et sermonné, il est installé à Genève dans un petit studio tout confort avec argent de poche et factures de restaurants payées à l'année par Elvira Koch, la présidente toute puissante du groupe industriel du même nom. Pourquoi cette prise en charge totale, quoique distante, pour un simple gardien alcoolique et presque sénile ? Parce que c'est l'ami d'enfance de son fils unique Thomas dit Tomi ? Le roman tient le secret bien gardé jusqu'au bout et nous balade à la suite de Koni, de ses absences et de ses terribles sauts dans le passé qui mettent les nerfs d'Elvira Koch à rude épreuve. Roman au suspense bien mené et récit très bien documenté. On apprend plein de choses sur le fonctionnement du cerveau, de la mémoire proche et lointaine et des effets dévastateurs de la maladie d'Alzheimer. Le personnage de Koni, naïf et bonne pâte, séduit et agace tout à la fois. Le film n'a rien à voir avec tout ça. A force de raccourcis et de transformations, la tension n'existe plus, les personnages perdent de leur complexité, l'histoire ne raconte rien, l'intrigue est molle et facile à dénouer. En plus la lumière est très laide, on dirait une mauvaise série télé. Aucun intérêt, vraiment il vaut mieux lire le roman !   

Small World Martin Suter Traduit de l'allemand par Henri-Alexis Baatsch. 360 p Point Poche 7,50 € en vente sur mon blog.

L'année du rat, Régis Descott, JC Lattès

Terrifiant !

Tout commence par une prophétie macabre qui annonce une étrange mort au lieutenant Chimovski. Il s'en fiche pas mal, il a mieux à faire dans l'immédiat. En flic confirmé et compétent il est envoyé sur une scène de crimes particulièrement atroces : Le massacre de toute une famille sous les morsures d'un animal non identifié. Ce drame l'intrigue et l'inquiète encore plus quand il prend connaissance des résultats  des analyses d'ADN. Le voilà en présence d'un cas jamais rencontré : les assassins sont des hybrides, entre homme et animal. Son enquête nous plonge dans les sombres perversités de la manipulation génétique et des OGM. Et ici il ne s'agit pas de gentils grains de maïs... Nous sommes dans un futur proche, dans quelques décennies, et Paris est devenu une mégapole géante où règne les bio généticiens et leurs pilules d'éternelle jeunesse. Jusqu'où peut aller leur appétit de pouvoir et de puissance ?   Roman d'anticipation et polar palpitant qui fait froid dans le dos jusqu'à la moelle. Très bien documenté, fourmillant de détails et données scientifiques clairement exprimés, cette histoire nous laisse entrevoir un avenir d'autant plus angoissant qu'il paraît probable. Impossible de refermer le livre dès qu'on a mis le nez dedans, comme Chimovski : on veut absolument savoir. Dieu merci des traits d'humour ici et là nous font respirer, comme la transformation de Beaubourg en sanatorium et celle de l'église St Sulpice en centre des impôts. Par ailleurs les gadgets électroniques et informatiques du quotidien sont dignes d'un excellent James Bond. Et puis il y a une vraie et belle histoire d'amour avec de belles envolées. Cela rassure, demain l'amour existera encore. Avec une formidable imagination, une grande maîtrise du suspense et une écriture percutante, Régis Descott captive totalement. Histoire originale et vertigineuse à lire absolument.       

J'ai adoré : le ton et le rythme formidables de ce polar pas banal. L'écriture possède une élégance naturelle très belle. Les deux personnages principaux sont attachants, surtout le courageux et têtu lieutenant Chim'. J'espère qu'il y aura une suite ! A noter : la couverture étonnante.

L'année du rat, Régis Descott, JC Lattès. 380 p 20 €. En vente sur mon blog.

Régis Descott vit à Paris.  Ce livre est son cinquième roman. A lire, car également étranges et inquiétants, Pavillon 38  (2005) et Obscura (2009) tous les deux en Livre de Poche. 

Bravo! bravo! Milan Kundera !!!!

A grands coups de trompettes on nous annonce l'entrée de l'oeuvre de Milan Kundera dans la très chic et élitiste collection de la Pléiade (Gallimard). OK c'est le 14è écrivain à être publié de son vivant sous la prestigieuse reliure (les autres attendent d'être morts pour cela). Mais c'est surtout un événement commercial (105€ le coffret de 2 tomes) car tous les romans de Milan Kundera existent en format poche. L'auteur n'est pas dupe : depuis 1985 il refuse toute interview et prise de parole sur ses écrits et sur la marche du monde. Et ce n'est pas cette belle édition qui va le faire changer d'avis. Il n'y aura d'ailleurs pas, dans ces deux tomes, comme dans les autres volumes de La pléiade des notes et explications en fin d'ouvrage. Milan Kundera déteste le verbiage littéraire et le décorticage de ses romans. Il faut donc le lire pour le connaître et le comprendre. Cette absence va être difficile pour les journalistes qui salivaient à l'idée d'avoir l'occasion de cuisiner une icône vivante... Mais bravo Monsieur Kundera. Bravo d'être un formidable écrivain à sa place et non pas une star qui donne son avis sur tout et n'importe quoi. Bravo de refuser de parler politique sous prétexte que vous êtes né tchèque (nationalité française depuis 1981). Bravo de résister aux sirènes de la gloire. Bravo de ne pas succomber avec tant de bon sens à l'insupportable légèreté de l'être.

Et pour tout savoir des auteurs préférés de Milan Kundera, ses interrogations sur le roman d'aujourd'hui, ce qu'il trouve répétitif ou novateur, on lit  une rencontre (Gallimard). Essai passionnant qui regroupe une trentaine d'articles traitant de l'art du romancier.     

Et puis on se fait offrir, ou on offre, le coffret La Pléiade parce que c'est un très bel écrin pour de très beaux romans et un vrai joli cadeau : 2 tomes 105€ jusqu'au 31 décembre et ensuite 120 €. 

La poussette, Dominique de Rivaz, Buchet-Chastel

Tragicomique !

C'est l'histoire d'une poussette qui tue. Une jeune fille raconte. Elle suit les cours de l'école de puériculture où le bébé de la prof sert aux travaux pratiques. Un jour elle part le promener dans sa poussette, elle court parce qu'il se met à pleuvoir, les roues de la poussette se coincent dans la grille d'un caniveau, la poussette se cabre, le bébé part en vol plané et se fracasse le crâne au sol. La jeune fille ne sera pas puéricultrice, elle n'aura pas de bébé mais, à la suite de ce malheureux événement, une étrange fêlure naîtra et grandira en elle. Obsédée par le bonheur béat des jeunes mamans, des bébés roses et dodus et des landaus derniers cris, la jeune femme se marie et ne rêve que de devenir mère. Désespérée par sa stérilité elle va tenter l'insémination puis adoptera un poupon Newborn et finalement finira par enlever un bébé dans sa poussette. Ce récit original, sur un traumatisme non soigné, touche et dérange étrangement. Il y a de la poésie, de l'humour noir et des scènes délirantes. Il est écrit à la première personne sur un ton naïf, drôle et cruel. On perd nos repères à l'image de cette jeune femme fracassée. Belle et sensible manière d'aborder le douloureux problème de la stérilité féminine dans notre société ou l'enfant est roi et la mère élevée au rang de quasi divinité. Le style sobre et clair de l'auteur donne une force et une résonnance formidables à cette histoire grave aux allures de fable triste.

J'ai adoré : l'écriture superbe de retenue, l'humour bizarre qui met mal à l'aise, cette belle façon de parler de choses essentielles l'air de rien. On pense à Boris Vian. 

La poussette, Dominique de Rivaz, Buchet-Chastel, 11 € 112 p. En vente sur mon blog.

Dominique de Rivaz est suisse et vit à Berne et Berlin. Cinéaste, scénariste, photographe, elle a publié deux romans dont Douchinka (éditions de l'Aire 2008) qui a obtenu le Prix Schiller Découverte.        
 

Bravo !!! L'INA a une très bonne idée !

L'Institut National de l'Audiovisuel (INA) fait un joli cadeau aux amoureux du livre : 724 rencontres d'écrivains avec Bernard Pivot dans son irremplacée émission Apostrophes, en consultation gratuite. L'intégralité des émissions de 1975 à 1990. On se fait une joie d'écouter Duras, Marguerite Yourcenar, Nabokov, Bourdieu, Bukovski...

On se connecte sur Ina.fr Offre valable jusqu'au 31 mars, après c'est comme avant : 2,99 € l'émission.   

Arrêtez-moi là! Iain Levison, Liana Levi.

Incroyable mais vrai !

Il y a des jours où la réalité dépasse la fiction. C'est le cas de cette histoire  dont s'inspire le brillant nouveau roman de Iain Levison. Cela se passe aux Etats-Unis, pays de tous les débordements possibles,  et en 2002. Une fillette disparaît de son domicile, kidnapée. La police s'empare d'un suspect et ne le lâche plus jusqu'à en faire un parfait coupable. Il a tout pour ça :  c'est le chauffeur de taxi qui a raccompagné la maman à son domicile le soir même de l'enlèvement et qui a eu la mauvaise idée de laisser des traces sur place. Un pauvre type face à une famille aisée, une police incompétente mais zélée, la presse qui exige un coupable. Et voilà Jeff embarqué, menotté, tabassé, humilié. En attendant son procès, il sera enfermé pendant près d'un an  avec  des comdamnés à mort serials killers cinglés. L'horreur absolue. L'auteur exprime à la perfection tous les états d'âme de Jeff, de l'incompréhension à la stupeur en passant par la peur et l'abattement. On se sent à sa place et on a très froid dans le dos. Heureusement que le récit se fait à la première personne cela donne l'espoir qu'il va s'en sortir. Mais dans combien de temps et dans quel état ? On est suspendu au récit. Ce roman décape totalement. Avec cynisme et une bonne dose d'humour noir, l'auteur  pointe  du doigt les excès  grossiers de la société américaine : les dérapages de  la police  qui veut ressembler à celle des séries américaines télévisées, l'incompétence des avocats pourris par l'appât du gain facile et surtout la bétise dangereuse des médias, dont la télévision qui fait et dit n'importe quoi. Le pouvoir de tous ces abrutis donne le vertige. On ferme le bouquin en soupirant d'aise, on vit en France et ce n'est pas comme ça, quoique...

J'ai adoré : Le sujet, le ton et le suspense. Ce roman fait réfléchir et rend lucide sur notre époque. Le petit bouquin "Indignez-vous" de Stéphane Hessel est à lire dans la foulée.  

Impeccablement traduit de l'anglais (américain) par Fanchita Gonzales Batlle, Arrêtez-moi là Iain Levison, Liana Levi. 256 p 18 €. En vente sur mon blog.

Iain Levison est écossais et à vécu dix ans aux Etats-unis. Il a publié quatre romans qui se moquent avec talent des excès US. Il faut absolument lire un petit boulot (2003 Liana Lévi) jubilatoire à l'extrème.

Aux bons produits de Paris, édition Parigramme

Mon nouveau livre est en librairie! C'est un petit guide malin et pratique pour faire ses courses à Paris. J'ai sélectionné des adresses de boutiques, étals de marchés, adresses sur le net, fermes et cueillettes en région parisienne pour acheter de bons légumes, viandes, salaisons, pains, poissons, fromages, fruits et légumes,  épicerie. Des lieux où je n'ai jamais été déçue par la qualité et où on est bien accueilli avec compétence et gentillesse.

 Aux bons produits de Paris, 6 €, éditions Parigramme.

 Il n'est pas cher et va vous rendre de très, très bons services. On le glisse dans son cabas et on l'offre aux copains !!

Votre avis m'intéresse !! 
 

Les vaches rouges ou un dernier amour, Dorothea Razumovsky, Buchet-Chastel

Délicieux !

Les vieilles dames indignes ont de beaux jours devant elles. Voici l'histoire d'une mamie ultra contemporaine : rigolote, maline et active. Veuve d'un prof d'université, elle se retrouve du jour au lendemain à devoir partager sa maison et son jardin avec sa belle-fille qui ne souhaite qu'une chose : s'en débarrasser au plus vite.  La vielle dame ne lui donne pas ce plaisir, elle part d'elle-même, avec sa chienne Cora, se mettre au calme dans une maison de retraite plutôt chic, même si la directrice est une peste. Le regard de Madame le professeur, comme on l'appelle dans cette résidence, sur les pensionnaires, le personnel soignant et l'ambiance, est génial d'humour et de lucidité. Elle a droit aux hommages appuyés d'un élégant vieux monsieur qui ne la laisse pas indifférente mais c'est surtout avec le jeune Vova que la charmante vieille dame va se lier d'amitié. Elle le rencontre au jardin public mais tout le monde le connaît, il a tout d'un mauvais garçon et une sale réputation. Elle s'en fiche, elle aime son regard et sa gentillesse. Il lui apprend à utiliser l'ordinateur qu'elle a fauché au petit copain de sa belle fille en quittant sa belle maison.  Il lui raconte également son enfance, ses origines russes, sa grand-mère Baboulia qui est resté dans un coin de Sibérie, là où paissent des vaches rouges.  Elle est émue par cette jeune vie mal engagée et décide de réparer ce qu'elle peut. Mais un jour Vova disparaît sans crier gare. Mauvaise rencontre, coup qui a mal tourné ? Madame le professeur suit sa trace... Délicieux roman qui doit tout son charme au style narratif choisit par l'auteur. Nous lisons le journal  de la vieille dame laissé sur son ordinateur. Ses observations, pensées et réflexions sur la vieillesse, la famille, la mort, l'avenir sont un pur régal. Quelle jolie façon de dire l'essentiel, l'air de rien, sans nous imposer un traité de philo. L'écriture est simple, joyeuse et vive. Les conditions de vie difficiles des russes émigrés en Allemagne sont abordées sans lourdeur mais sans détours. Il y a de la légèreté, de la tendresse, des rencontres, des rêves, des rires, des chagrins et beaucoup de vie dans ce récit de fin d'existence. A lire ! Excellent pour le moral de tous.

J'ai adoré : ce portrait de grand-mère tonique et tellement vivante, la façon dont elle s'ouvre sur le monde au lieu de s'enfermer dans sa retraite dorée, son enthousiasme et son bon sens font un bien fou. Jolie lecture.

Les vaches rouges ou un dernier amour, Dorothea Razumovsky, Buchet-Chastel. Traduit de l'allemand par Chantal Le Brun Keris. 180 p, 18 €. En vente sur mon blog à partir du 10 mars.

 

Je vous apprendrai la peur, Nikolaj Frobenius, Actes Sud

Enigmatique !

Terrible plongée dans la vie d'Edgard Allan  Poe, grand écrivain américain halluciné. Cette étonnante biographie prend la forme d'un des écrits lugubres du célèbre auteur qui, dit-on, a donné naissance au roman policier. Elle distille tension et suspense. Nous voilà dans les rues sombres et glissantes de Baltimore, Philadephie et New-York entre 1820 et 1840. Après une enfance triste et solitaire, Edgar Allan Poe se consacre à l'écriture.  Le succès ne vient pas, même s'il accède à la popularité avec sa nouvelle Le Corbeau. Son caractère ombrageux, son refus des conventions et ses propos féroces sur la littérature lui valent de nombreux ennemis dont le critique littéraire Rufus W. Grinswold. Celui-ci est pasteur non pratiquant, il voit dans Edgard Poe le Mal absolu. Pour lui cet écrivain sinistre, hanté par la mort et la beauté est un déséquilibré, traversé par des éclairs de génie. Il va s'acharner à le perdre. Ce sera sans compter avec un étrange personnage, Samuel Reynolds, albinos noir élévé avec Edgar A. Poe, qui lui voue une admiration sans borne et veille sur lui d'une façon horrible : il reproduit les crimes décrits par son "maître" dans ses contes et poèmes comme l'épouvantable Double assassinat dans la rue Morgue. Ces trois personnages se frôlent, s'affrontent, se fuient. Edgar A. Poe est mort à quarante ans en prononçant plusieurs fois le nom de Reynolds, on comprend ici pourquoi... Roman captivant mêlant le vrai et la fiction avec bonheur. On tremble et on est touché par le personnage de l'écrivain maudit. Il apparaît comme un homme hyper intelligent, sensible, idéaliste, vaniteux et ambitieux. Sa vie de misère et d'angoisse,  marquée par la maladie explique son oeuvre, largement autobiographique. La construction du récit est parfaite, l'écriture fine et percutante, la densité psychologique des personnages remarquable et l'énigme macabre à souhait. C'est un vrai excellent thriller psychologique qui se dévore d'un trait.

J'ai adoré : l'ambiance sombre et étrange, découvrir la vie Edgar Allan Poe ses cauchemars et ses rêves, retrouver l'ambiance Fantastique et gothique de ses contes. Ce roman donne envie de lire ou relire E.A. Poe. Je vous recommande la lecture de la chute de la maison Usher  et puis, bien sûr, Histoires extraodinaires traduit par Baudelaire.    

Je vous apprendrai la peur, Nikolaj Frobenius, Actes Sud. Parfaitement bien traduit du norvégien par Vincent Fournier. 331 p 21,50 €

 Nikolaj Frobenius vit à Oslo et écrit des romans, poèmes et pièces de théâtre. Il appartient à la nouvelle génération talentueuse des auteurs nordiques. Trois de ses romans ont été traduits et publiés chez Actes Sud : La valet de Sade (1998), le pornographe timide (2000) et Je est ailleurs (2004).