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Les frères Sisters, Patrick de Witt, Actes Sud

Petite jubilation littéraire. Ce roman burlesque rend un bel hommage aux grands westerns de la Ruée vers l'or. Charlie  et Eli sont frères et deux redoutés tueurs à gages. Le premier est rustique, l'autre sensible. Ils obéissent au "Commodore" qui désigne ceux qu'ils doivent tuer, sans état d'âme. Les voilà en route vers la Californie pour régler son compte à un chercheur d'or en affaire avec leur patron. Leur chevauchée improbable est semée de rencontres étonnantes, de meurtres saignants, d'amourettes impossibles, de petites et grandes émotions. Si Charlie a le tempérament d'une brute épaisse avinée, Eli se pose des questions existentielles et pertinentes sur leurs existences de truands. Il s'interroge aussi  sur les inconvénients d'avoir un frère. Et c'est irrésistible. Vont-ils arriver au bout de cette mission ? L'humour noir, le ton excentrique et le propos subtil, font de ce récit un petit bijou du genre décalé. Si la violence déroute un peu,  les dialogues ravissent et la plume enchante. Sous le prétexte d'une farce colorée, l'auteur nous invite à méditer sur cette Amérique éternellement  agîtée par l'appât du gain. Il parle aussi, avec pudeur, de la tendresse unique et inconditionnelle entre frères... ou soeurs. Une épopée enfiévrée à dévorer absolument !!

J'ai adoré : l'originalité du roman, les relations entre les deux frères aux tempéraments si différents et pourtant si attachés l'un à l'autre, le décalage entre le langage châtié d'Eli (presque précieux) et la sauvagerie autour, l'humour noir et les scènes loufoques.

Les frères Sisters, Patrick de Witt, Actes Sud. Formidablement traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Emmanuelle et Philippe Aronson. 358 p 22, 80€. En vente sur mon blog via Amazon.fr

Patrick de Witt, né en 1974, vit dans l'Oregon. Son premier roman Ablutions a été publié en 2010 (Actes Sud)

Bons baisers de Cora Sledge, Leslie Larson, poche 10/18

Pour sourire d'un sujet pas facile. Cora a quatre vingt deux ans, elle a un caractère infernal, mange trop, fume trop et se bourre d'anxyolitiques depuis la mort de son mari. Ses enfants en ont assez de la surveiller et de la sermoner, ils décident de la placer en maison de retraite médicalisée. Si Cora s'en offusque et boude au début, très vite elle s'organise et sa nature rebelle reprend le dessus. Elle se frite avec les infirmières et les autres pensionnaires, s'énerve contre le réglement et la directrice, soudoie son kiné amoureux d'un infirmier et fume en cachette. Elle en profite aussi pour écrire son histoire. Et puis un jour, elle s'entiche du beau Vito, un vieux monsieur chic qui la subjugue totalement. Là voilà qui rêve comme une midinette, projette de se remarier et de récupérer sa maison pour y vivre heureuse avec Vito. Mais sait-elle qui est exactement ce charmeur ? Roman délicieux, écrit avec finesse et un humour décapant. Sur le mode du journal intime, Cora nous raconte ses jours en maison de retraite mais aussi ce qu'a été sa vie, son enfance, le secret de ses vingt-ans, ses désirs et ses frustrations. Avec une belle énergie, beaucoup de cocasseries et une sacrée dose de bonne humeur, elle nous prouve que veillir c'est vivre encore. A l'heure où se pose la question de la dépendance des personnes âgées, ce roman tombe à pic. Sans aucune mièvrerie, et loin des tabous, il a l'audace de parler d'amour entre octogénaires quand il serait de bon ton que les mamies sucrent les fraises, sans bruit.

J'ai adoré : le personnage de Cora attachante, émouvante, si sympathique malgré tous ses excès.  Le vocabulaire de la vieille dame indigne vaut la lecture. La peinture du petit monde clos de la maison de retraite est terrible de perfidie et mesquinerie.

Bons baisers de Cora Sledge, Leslie Larson, formidablement bien traduit de l'anglais (américain) par Michèle Valencia. Poche 10/18. 380 pages, 8,80€. En vente sur mon blog via Amazon.fr

Leslie Larson est journaliste et vit en Californie. Ce roman est son second livre.

 

Jack Rosenblum rêve en anglais, Natasha Solomons, Le livre de Poche

Un délicieux petit bouquin à glisser dans son sac pour garder le sourire même sous la pluie !!! Jack et Sadie fuient l'Allemagne nazie en 1937 pour se réfugier à Londres. Si les Anglais savent se montrer accueillants pour les étrangers de toutes confessions, ils restent néanmoins réservés sur cette vague juive qui débarque en masse. A leur arrivée, les autorités remettent à chacun un petit guide listant tout ce qu'il convient de faire pour devenir un vrai et bon citoyen britannique. Jack très enthousiaste, s'acharne illico à suivre les conseils donnés et va même plus loin : il complète la liste à sa manière. Ainsi il s'attache à faire fortune en créant sa fabrique de tapis, il roule en Jaguar et s'habille à Saville Row. De son côté Sadie s'applique à devenir une excellente ménagère anglaise qui doit avoir "une teinture prune, une manucure parfaite, et pratiquer tennis et bridge". Mais arrivé à la règle N°150 "un véritable anglais est membre d'un club de golf", Jack se heurte aux limites so British. Les juifs ne sont pas acceptés dans les clubs très fermés du green de la Queen. Après avoir essuyé de nombreux refus, Jack décide de créer son propre golf avec l'objectif d'en faire le plus prestigieux d'Angleterre. Il engloutit aussitôt ses économies dans l'achat d'un cottage et d'un vaste terrain dans le Dorset. L'aventure commence et les soucis aussi... Formidable épopée, cocasse et loufoque avec des dialogues aux accents délirants à la Louis de Funès. Le style enlevé et plein d'humour ne masque pas le vrai sujet du roman: les difficultés de l'intégration et la nostalgie du pays quitté. Jack et Sadie sont deux personnages énergiques, positifs et enthousiastes. Ils communiquent leur joie de réussir ailleurs tout en restant d'une lucidité touchante comme le montre cette merveilleuse réplique de Jack " Les anglais ont le droit d'être excentriques, nous devons rester invisibles". Tout un programme terriblement d'actualité chez nous.

J'ai adoré : l'intelligence pétillante du récit, le portrait des anglais et de leur bourgeoisie élitiste, l'attachement de Sadie à ses valeurs et traditions d'origine, sa façon de ne pas oublier son pays en faisant de la pâtisserie à outrance. Dommage que les recettes de Sadie ne figurent pas en fin d'ouvrage. Une suite ?

Jack Rosenblum rêve en anglais, Natasha Solomons, le Livre de Poche. Impeccablement bien traduit pas Nathalie Personny. 432p. 7,10€. En vente sur mon blog via Amazon.fr

Natasha Solomons, vit dans le Dorset et raconte ici l'épopée de ses grands parents. Un premier roman qui a le charme tendre des histoires vraies.

A noter : Pour les amateurs de petits formats, "Saint-Maur en Poche" le 4è Salon du Livre de Poche organisé par la librairie La Griffe Noire se tiendra à Saint-Maur (94) le week-end du 23 et 24 juin prochain. De nombreux auteurs à rencontrer et des piles de bouquins à compulser. De quoi faire le plein de lecture pour l'été. 

 

Scène de plage, Charles Gancel, Buchet-Chastel.

Une petite perle de drôlerie à savourer illico, un avant-goût de l'été. C'est l'histoire d'un type célibataire, fonctionnaire, maniaque et étriqué dans sa vie mais pas dans sa tête. Sous le chapeau cela tourne à plein régime et ses fantasmes érotiques occupent le temps qu'il ne passe pas à compter ses dossiers au Sénat. Le voilà en vacances en Corse, lors d'une journée banale de plage, soleil, eau bleue et sable chaud. Il repère très vite une jeune nymphette qu'il imagine pouvoir séduire. Il possède une technique infaillible pour cela, dit-il. On ne demande qu'à le croire et on suit le moindre de ses gestes avec beaucoup d'intérêt. Evidemment, rien ne va se passer comme il le pensait. Des situations cocasses, finement observées et un récit formidablement bien écrit. Le vocabuaire recherché, les tournures de phrases châtiées, le ton précieux et intello donnent vie à ce personnage pas banal. Il est fait pour le cinéma. Après La vielle fille de Jean-Pierre Blanc (1972), pourquoi pas Le vieux garçon ? La parité est dans l'air du temps, non ?

J'ai adoré : les réflexions irrésistibles sur les vacanciers de l'été, le portrait amusant de ce mythomane qui ne fait de mal à personne à part lui-même.

Scène de plage, Charles Gancel, Buchet-Chastel. 144 p, 14€. En vente sur mon blog via Amazon.fr.

Charles Gancel est l'auteur de deux récits de nouvelles, les oeufs et Scapels, publiés chez Buchet-Chastel. Il dirige un cabinet de conseil en développement d'entreprises.     

Le chapeau de Mitterrand, Antoine Laurain, Flammarion.

Idée géniale et nostalgie revigorante !!! Voici une belle fable délirante et super bien ficelée autour d'un  supposé pouvoir bénéfique prêté au fameux feutre noir de François Miterrand. Le Chef de l'Etat oublie son chapeau un soir dans une grande brasserie parisienne. Son voisin, par fétichissisme, s'en empare et le voici métamorphosé comme par enchantement.  Le chapeau fait l'homme. Il promet aussi des destins lumineux. Comme si le chapeau avait sa propre vie, différentes personnes vont se retrouver coiffées par le fameux couvre-chef et connaître un autre destin. Ce roman pétille de malice et offre des scènes d'une jolie cocasserie, des personnages séduisants et des situations crédibles. Il fait revivre avec jubilation le début des années 80 et toute une époque. On entend des musiques oubliées, on retrouve des lieux parisiens à la mode, les stars du moment, la vie culturelle en ébullition. Bref, des jours meilleurs où la crise n'était pas aussi plombante qu'aujourd'hui. L'écriture souple, drôle et habile s'amuse à nous emporter dans un voyage merveilleux,  celui d'un temps qui appartient déjà au passé mais qui n'est pas encore oublié. Ces années là sont dominées par de l'arrivée de la gauche au pouvoir, un vent d'espoir et d'énergie qu'il fait bon retrouver, même si... Une nostalgie sublimante et bienfaisante. A lire et à offrir en cette période d'élection.

J'ai adoré : l'idée originale de ce roman, la succession de personnages très naturelle, le mot de la fin, le rythme plein de vie, l'écriture charmeuse.

Le chapeau de Mitterrand, Antoine Laurain, Flammarion. 212 p 18€. En vente sur mon blog.   

Antoine Laurain, jeune et talentueux romancier français, a publié trois romans avant celui-ci dont le délicieux Ailleurs si j'y suis (Le Passage 2007) courroné par le Prix Drouot.

Bon rétablissement, Marie-Sabine Roger, Le Rouergue.

Un peu de légèreté dans ce monde de plomb. Pierrot se retrouve à l'hôpital sans trop savoir comment ni pourquoi sauf qu'il a été repêché dans la Seine après un saut dans l'eau. Immobilisé sur son lit par un méchant plâtre du bassin, et comme tous les vieillards solitaires, il bougonne, ronchonne et marmonne. Sa famille ne se bouscule pas à son chevet, vu qu'il est veuf sans enfant et qu'il n'a plus qu'un frère et une belle soeur à qui il ne parle pas. Mais il ne reste pas sans visite pour autant. Bien malgré lui, il collectionne les rencontres insolites, drôles et attachantes. Il voudrait réfléchir à sa vie et à ce qu'il fiche ici mais on le dérange tout le temps. Pierrot repartira de l'hôpital moins seul qu'il n'y est entré. Roman sensible et drôle sur un sujet qui l'est moins : l'hospitalisation. L'auteur dénonce des choses moches et exaspérantes que l'on connaît déjà mais le ton et les circonstances ici font sourire. Le style vivant et concis donne beaucoup de vie à ces pages qui débordent d'humanité et de bonne humeur. Le personnage de Pierrot, avec sa gouaille et son gentil fichu caractère, apporte une bonne dose d'optimisme plus qu'utile par les temps qui courent. A consommer sans modération aucune !!

J'ai adoré : les remarques et piques énergiques de Pierrot notamment une, récurrente, sur la porte de sa chambre que personne ne ferme jamais. L'histoire simple mais pas banale. 

Un bémol  : je n'aurai pas donné un titre si plat à ce roman si sympa.

Bon rétablissement, Marie-Sabine Roger, Le Rouergue. En vente à partir du 7 mars en librairie et sur mon blog via Amazon.fr.

Marie-Sabine Roger a connu un beau succès avec son premier roman La tête en friches (Le Rouergue 2008) dont Jean Becker a tiré un excellent film avec Gérard Depardieu. Bon rétablissement est son troisième roman. Marie-Sabine Roger a publié auparavant une centaine de livres pour la jeunesse.      

Un enfant ou une voiture, Julie Resa, Buchet-Chastel

Histoire courte et mordante. Tout le monde le sait, la campagne c'est ce qu'il y a de mieux pour élever une petite famille. L'air pur, le calme, le contact avec la nature... Babette et Paul, jeunes mariés, réalisent le rêve de nombreux citadins stressés : ils quittent la capitale pour s'installer en province dans une vraie maison avec un jardin, des arbres et des fleurs aux branches. Jusque là tout va bien, mais très vite surgit une ombre au tableau : le boulot. Si Babette ne se débrouille pas trop mal pour trouver ce qui lui plait, Paul en revanche doit faire une heure de trajet en train pour rejoindre tous les matins un job et des collègues qui ne l'intéressent pas du tout. Ses allers et retours quotidiens l'épuisent et le dépriment. Un jour de grève il se met à rêver d'une voiture, symbole d'autonomie et de confort. Babette, elle, tout à son projet familial, essaie de mettre en route un bébé. Les deux pourraient ne pas être incompatibles et pourtant...  Dans un style dépouillé très efficace, l'auteur nous raconte l'histoire d'un fiasco. Elle pointe du doigt le rêve d'Eldorado  provincial qui, plus que jamais, hante les jeunes couples de la capitale. Tout n'est pas toujours plus rose, ni vert, dans nos campagnes mais qui le dit ? Elle souligne également le fossé qui sépare soudain un couple à la moindre contrariété. Autre phénomène des temps modernes.  Il y a beaucoup d'humour, d'ironie, de désillusion dans ces pages mais rien de désespéré. Ce petit livre se dévore d'un trait en souriant et on sait illico à qui l'offrir autour de nous. Cadeau utile et pas futile !!

J'ai adoré : Paul et ses hésitations folles pour choisir la voiture qui lui faut, j'ai appris plein de trucs sur l'Audi et la Toyota. L'obsession de Babette a faire un bébé là, maintenant, tout de suite, à tous prix.

Un enfant ou une voiture, Julie Résa, Buchet-Chastel. 111 pages 13€. En vente sur mon blog.

Julie Résa est journaliste. Elle a publié un excellent premier roman Le camion blanc (Buchet-Chastel 2010)

Les fiancées d'Odessa, Janet Skeslien Charles, Liana Lévi

Irrésistible. Enfin un roman drôle et intelligent dans cette rentrée littéraire d'hiver. Odessa est la plus belle ville du monde, Daria et sa grand-mère le savent bien. Mais elles connaissent également le chômage, les emplois précaires, les maigres salaires, la corruption et les menaces de la mafia. Elles partagent un modeste studio dans une banlieue grise. La grand-mère se bat pour trouver la nourriture quotidienne pendant que Daria travaille comme secrétaire dans une société d'import-export israélite. Là, elle découvre un apperçu du soi-disant miracle économique de l'occident. Nous sommes à la fin des années 90, les belles Ukrainiennes ne désirent qu'une chose : se marier avec un occidental pour échapper à misère ambiante. Le rêve d'une vie meilleure à l'ouest commence aussi à tenter Daria. Elle postule pour le fameux "visa fiancée". Mais l'amour sera-t-il au rendez-vous ? Ce roman possède un charme fou, beaucoup d'esprit et une ironie mordante. Là où le désespoir pourrait se glisser, l'auteur sème habilement du cocasse et de la légèreté. L'écriture vive avec ses dialogues qui ne manquent pas de piquant nous lie à Daria sans envie de la lâcher. Tous les personnages séduisent, même le patron macho de Daria, mais ma préférée demeure la grand-mère. Cette vieille femme aimante et protectrice affiche une philosophie de vie épatante faite d'un savant mélange de bonne humeur naturelle, de positivisme forcené et de fatalisme ancestral. J'en voudrai une exactement comme ça dans ma vie les jours trop sombres. Elle a tout bon et nous offre une très belle leçon de vie. A lire absolument.

J'ai adoré : les anecdotes sur la vie quotidienne rude à Odessa, le ton léger pour dire des choses graves, la manière astucieuse de dénoncer ce triste marché de l'amour ainsi que la suffisance, la vulgarité et la bêtise des hommes occidentaux qui l'alimentent. L'humour fait passer tous les messages.

Les fiancées d'Odessa, Janet Skeslien Charles, Liana Lévi. Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Adélaïde Pralon, Liana Lévi. 416 p, 22, 30€. En vente sur mon blog.

Janet Skeslien Charles, américaine, signe ici son premier et brillant roman déjà traduit dans une douzaine de langues. Elle a vécu à Odessa où elle enseignait l'anglais. Elle vit aujourd'hui à Paris.

      

Les Mille et une femmes, Guyette Lyr, Le Passage

Le cadeau rigolo à offrir pour les Fêtes.  Ce joli petit livre à couverture cartonnée s'adresse aussi bien aux hommes qu'aux femmes : il présente une double lecture très astucieuse. L'auteur dresse, avec beaucoup d'humour et d'imagination, dix portraits de femmes types mais elle donne également les profils masculins susceptibles de les escorter au mieux, les comprendre, les aimer. Bref, un joyeux petit guide du "qui va avec qui". Les noms de ces nouveaux socio-styles féminins sont savoureux : Lapêche, Lapélican, Lademontemps, Lalibido, Lasacristie, etc. Les sobriquets masculins valent la lecture également : le doux tyran, le grand mystérieux, le charmant régressif, le futur restauré, etc. Evidemment, nous sommes dans la caricature mais une dominante de caractère se dégage de tous ces portraits.  A chacun d'adapter à son tempérament et d'extrapoler pour le reste. Cela promet de belles soirées d'hiver. L'écriture piquante et fine de l'auteur possède un charme fou, les illustrations de Claire Brétecher ne déçoivent pas, comme d'habitude. Ce petit manuel de survie pour messieurs en terrain miné a tout d'une nouvelle Carte du Tendre. 

J'ai adoré : les rubriques "Attention hommes fragiles!" trop drôles, et "Comment épanouir son heureuse nature" très malignes. Evidemment, je me suis cherchée et trouvée dans plusieurs portraits, ma nature est décidemment trop complexe...

Les Milles et une femmes, petit manuel de survie pour messieurs en terrain miné, Guyette Lyr, Le Passage. 166p 17€. En vente sur mon blog.

Guyette Lyr est comédienne et romancière. Auteur de huit romans, dont La fuite en douce ( 1976 Mercure de France) qui a obtenu le Prix des Lectrices ELLE et le dernier Judith Nothing (2011 Actes Sud).

 

La poussette, Dominique de Rivaz, Buchet-Chastel

Tragicomique !

C'est l'histoire d'une poussette qui tue. Une jeune fille raconte. Elle suit les cours de l'école de puériculture où le bébé de la prof sert aux travaux pratiques. Un jour elle part le promener dans sa poussette, elle court parce qu'il se met à pleuvoir, les roues de la poussette se coincent dans la grille d'un caniveau, la poussette se cabre, le bébé part en vol plané et se fracasse le crâne au sol. La jeune fille ne sera pas puéricultrice, elle n'aura pas de bébé mais, à la suite de ce malheureux événement, une étrange fêlure naîtra et grandira en elle. Obsédée par le bonheur béat des jeunes mamans, des bébés roses et dodus et des landaus derniers cris, la jeune femme se marie et ne rêve que de devenir mère. Désespérée par sa stérilité elle va tenter l'insémination puis adoptera un poupon Newborn et finalement finira par enlever un bébé dans sa poussette. Ce récit original, sur un traumatisme non soigné, touche et dérange étrangement. Il y a de la poésie, de l'humour noir et des scènes délirantes. Il est écrit à la première personne sur un ton naïf, drôle et cruel. On perd nos repères à l'image de cette jeune femme fracassée. Belle et sensible manière d'aborder le douloureux problème de la stérilité féminine dans notre société ou l'enfant est roi et la mère élevée au rang de quasi divinité. Le style sobre et clair de l'auteur donne une force et une résonnance formidables à cette histoire grave aux allures de fable triste.

J'ai adoré : l'écriture superbe de retenue, l'humour bizarre qui met mal à l'aise, cette belle façon de parler de choses essentielles l'air de rien. On pense à Boris Vian. 

La poussette, Dominique de Rivaz, Buchet-Chastel, 11 € 112 p. En vente sur mon blog.

Dominique de Rivaz est suisse et vit à Berne et Berlin. Cinéaste, scénariste, photographe, elle a publié deux romans dont Douchinka (éditions de l'Aire 2008) qui a obtenu le Prix Schiller Découverte.