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Ferme les yeux, Amanda Eyre Ward, Buchet-Chastel.

Joli titre pour une sombre histoire. Le destin de trois jeunes femmes se croisent un jour et ce n'est pas un hasard. Lauren trentenaire angoissée, vit de nos jours à Austin, Texas, entre son frère aîné qu'elle adore et son petit copain dont elle se laisse aimer. Son mal être puise sa source dans un traumatisme infantile de taille : l'assassinat de sa mère et l'arrestation de son père pour son meurtre. Le jour où son frère lui annonce qu'il part en Irak avec Médecins Sans Frontières, tout vacille autour d'elle, elle panique totalement. L'occasion pour elle de regarder enfin en face cette douleur qui lui bouffe la vie. Au même moment, à New-York, Sylvia  se découvre enceinte à quarante ans et décide de garder son bébé contre l'avis de son compagnon. Elle le quitte pour se réfugier chez son amie d'enfance Victoria. Toutes les deux sont inséparables depuis la petite école. Sylvia, mal aimée par sa mère et abandonnée par son père, vénère l'intrépide Victoria, enfant gâtée de parents fortunés et futiles. Mais Victoria en plein divorce se retrouve aux prises avec le démon de son adolescence : l'alcool, et elle tourne le dos à son amie. L'occasion pour Sylvia d'ouvrir les yeux sur son affection aveugle pour Victoria. Qu'est-ce qui relie l' histoire de ces trois femmes... Roman captivant à la construction parfaite d'un excellent thriller psychologique. La tension se maintient du début à la fin sans faillir. L'écriture rapide et vive est super efficace. Un secret de famille bien ficelé pour évoquer le poids des drames de l'enfance et souligner qu'il est possible d'en "guérir", il n'existe pas de fatalité dans ce domaine. La rédemption est au bout de ces pages. Lisez !!  

J'ai adoré : le portrait psychologique de tous les personnages, le mystère bien ficelé, le style vif et simple, le dénouement tendre et rose à l'américaine mais qui soulage de la tension accumulée.

Ferme les yeux, Amanda Eyre Ward, Buchet-Chastel. Traduit de l'anglais (américain) par Anne-Marie Carrière. 324 p 20€ en vente sur mon blog via Amazon.fr.

Amanda Eyre Ward vit au Texas. Elle a publié trois romans et un recueil de nouvelles chez Buchet-Chastel. Ferme les yeux est son quatrième roman et il a reçu Le Grand Prix des Lectrices de ELLE USA 2011.    

Trois vautours, Henry Trujillo, Actes Sud.

Ambiance sombre et poisseuse. Le jeune Javier décide de quitter l'Uruguay pour un ailleurs meilleur. Pour voyager et se faire de l'argent facilement, il accepte de convoyer un 4X4 volé de Buenos Aires en Bolivie. Il rencontre la séduisante et étrange Paula dans un garage de Santa Cruz  où elle lui propose de lui acheter la voiture. En acceptant son offre il met le pied dans une sordide histoire où il va risquer sa vie. Il s'en sort, puisqu'il raconte son aventure à un drôle d'écrivain et que le roman commence ainsi, mais marqué par le désespoir. Ce roman dense captive par la force évocatrice de son écriture. A la fois simple et riche, elle tient en haleine, au bord du malaise. On se sent oppressé par  l'atmosphère collante, étouffante et sordide. Il existe un parrallèle évident entre les paysages désolés, accablés de chaleur et de poussière, les rivières à sec, et  l'âme saccagée des personnages. Javier déroute, Paula intrigue et les autres agacent. Tous sont glauques et paumés. Et puis ces trois vautours, dévorant un mouton sur la route ou tournoyant dans le ciel, rapellent la mort qui rôde partout et sur tout et qui réduit notre vie à un simple compte à rebours. Roman dérangeant, plus profond que noir.

J'ai adoré : le style dépouillé et efficace, la manière très visuelle de brosser portraits et décors, l'atmosphère de bout du monde et de désolation qui réussit à paraître très belle quand même.

Trois vautours, Henry Trujillo, Actes Sud. Traduit de l'espagnol (Uruguay) par Alexandra Carrasco. 192 p 19€. En vente sur mon blog via Amazon.fr.

Henry Trujillo vit à Montévideo et enseigne la sociologie. Trois vautours est son premier roman traduit en français.

 

            

La comtesse de Ricotta, Milena Agus, Liana lévi.

Histoire courte en forme de conte grave et lumineux. A Cagliari en Sardaigne, trois soeurs ruinées se partagent leur beau palazzo familial délabré. Il y a Noemi, solitaire et autoritaire, Maddalena, sensuelle jeune mariée en mal de maternité, et la Contesse de Ricotta, mère célibataire maladroite au coeur délicat et friable comme le fromage du même nom. Elles rêvent toutes les trois de retrouver leur splendeur passé mais en attendant elles s'accomodent de leur infortune. Ce qui les agitent très différemment les unes des autres c'est l'amour, sa place et ses visages. Chacune vit une histoire sentimentale qui les laisse insatisfaite, en attente, dans le désir. Et si la perfection dans ce domaine n'existait tout simplement pas ? De sa jolie plume élégante, Milena Agus nous parle des désillusions de l'amour avec un charme infini et un joli humour triste. Il y a des images poétiques et des situations cocasses qui enchantent, une folie douce et un désespoir tendre qui touchent. Ce petit livre se dévore très vite et puis on relit des passages pour le plaisir de retrouver Noemi, Maddalena et la pauvre contesse Ricotta aux prises avec leurs sentiments contrariés.

J'ai adoré : l'idée du délabrement du palais mis en perspective avec l'agitation intérieure des trois soeurs, l'évocation des fastes du passé dans la déco, les meubles et la vaisselle, les recettes de cuisine sarde évoquées et surtout celles des gâteaux dont les sebadas (petits chaussons farcis de brebis frais).

La Comtesse de Ricotta, Milena Agus, Liana Levi. Traduit de l'italien par Françoise Brun. 119p 13,50€. En vente sur mon blog via Amazon.fr

Milena Agus est devenue célèbre dans le monde entier avec Mal de Pierres (Liana Lévi 2007). La Comtesse de Ricotta est son quatrième roman publié en France.

Rendez-vous au Salon du Livre de Paris 2012

Du vendredi 16 mars au lundi 19 mars rendez-vous au Salon du Livre de Paris pour une 32è édition qui fait peau neuve. Déjà l'affiche, élégante et sobre, tranche avec l'horrible mascote aux couleurs criardes des années précédentes. Cela laisse présager de bonnes choses au menu. Et tout de suite il y en a une qui me séduit illico : le nouvel espace Trésors de livres consacré aux livres anciens et modernes de collection. L'occasion de voir des ouvrages beaux et rares et de souligner que le livre est aussi un objet d'art. Le salon hébergera 100 000 livres et attend plus de 200 000 visiteurs, la plus grande librairie éphémère de l'année. La littérature Japonaise sera à l'honneur avec une vingtaine d'auteurs en dédicace. Je les connais peu et mal, une occasion pour moi de faire des découvertes et collectionner les coups de coeur. Moscou sera la ville invitée avec également des auteurs attendus. Mais c'est vers les jeunes que le salon se tourne principalement cette année pour leur offrir, Japon oblige, un espace Manga d'exception le Manga Square avec un programme de choix : dédicaces, rencontres avec des mangakas, débats, suivi de production, expositions. A côté de ce pôle japonais hyper actif s'ouvre le monde de la BD dans toute sa dimension. A voir : Exposition de Naruto à DC Comics, animations nombreuses avec des improvisations de dessins et de grands noms en dédicace dont Enki Bilal et Joann Sfar. Moëbus vient de nous quitter, gageons qu'un bel hommage lui sera fait. Si, avec ces beaux lieux séduisants,  l'idée est de donner le goût de la lecture aux plus jeunes, je crains que ces deux thématiques loupent leur coup en les enfermant un peu plus dans leur univers. Mais j'espère que les amateurs de Mangas et BD profiteront de leur venue au salon pour jeter un oeil curieux sur tous les romans qui n'attendent qu'eux. On peut toujours rêver... 

Le Salon du Livre de Paris, du 16 au 19 mars, Porte de Versailles. Vendredi et samedi : 10h-21h, dimanche 10h-20h et lundi 13h-19h (le matin est réservé aux pro). Entrée : 9,50€, gratuit pour les moins de 18 ans et les étudiants de moins de 26 ans (inscription en ligne obligatoire). Pour les séniors gratuit lundi apm.

Pour plus d'info : www.salondulivreparis.com

Amy et Isabelle, Elizabeth Strout, Ecriture.

Conflit entre mère et fille.  Lors d'un été d'une chaleur folle, Amy 16 ans vit ses premiers émois amoureux en tombant raide dingue amoureuse de son prof de math. Dans son coin de Nouvelle Angleterre et dans les années 60, cela ne se fait pas vraiment. Surtout lorsque que l'on a pour mère Isabelle, corsetée et coincée comme au 19è siècle. Elles vivent toutes les deux de manière fusionnelle, sans fantaisie ni joie, dans une modeste maison et une petite ville morne. Amy s'ennuie comme toutes les ados, fume en cachette au lycée avec sa copine délurée Stracy et rêve à l'amour. Isabelle travaille dans les bureaux d'une usine au milieu de femmes qui se chamaillent toute la journée. Elle admire et aime en secret son patron qui ne lui adresse jamais un regard. Amy et Isabelle s'adorent mais souffrent de solitude chacune dans leur coin. L'aventure amoureuse d'Amy dans l'oppressante canicule va faire exploser la vie tranquille tissée d'apparences par Isabelle et révêler un secret qu'elle aurait aimer garder pour elle. Roman sentimental sans être mièvre. Le style énergique et simple de l'auteur donne le ton et sonne vrai. A l'image des romans de Jane Austen, les femmes ici sont toutes des victimes et les hommes d'horribles salauds. Un peu réducteur mais cela n'empêche pas les sentiments d'exister. Dans cette bulle exclusivement féminine, à travers l'affrontement d' Amy et de sa mère, l'auteur traite du délicat problème de la rivalité entre femmes. Il est aussi question, avec pertinence, de ce qu'une mère transmet de son histoire à sa fille sans le vouloir. Il y a de très jolies pages sur l'éveil de la sensualité chez l'adolescente et d'autres, très émouvantes, sur le désir amoureux refoulé chez la femme esseulée. Un roman à s'offrir entre nanas et à lire gloutonnement le soir quand monsieur dort déjà.

J'ai adoré : l'ambiance de bonnes femmes au bureau avec leurs problèmes et brouilles quotidiennes, les dialogues drôles entre Amy et sa copine Stacy, le besoin de perfection d'Isabelle. Tous ces personnages sont familiers et attachants.

Amy et Isabelle, Elisabeth Strout, Ecriture. Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Suzanne V.Mayoux. 400 p 22 €. En vente sur mon blog via Amazon.fr.

Elizabeth Strout a publié ce roman aux Etats-Unis en 1998 et a été traduit par Plon en 2000. Il s'agit ici d'une réédition par Ecriture. Elizabeth Strout a écrit de nombreux recueils de nouvelles et un roman magnifique Olive Kitteridge courronné par le Prix Pulitzer en 2009 (Le Livre de Poche).

 

Bon rétablissement, Marie-Sabine Roger, Le Rouergue.

Un peu de légèreté dans ce monde de plomb. Pierrot se retrouve à l'hôpital sans trop savoir comment ni pourquoi sauf qu'il a été repêché dans la Seine après un saut dans l'eau. Immobilisé sur son lit par un méchant plâtre du bassin, et comme tous les vieillards solitaires, il bougonne, ronchonne et marmonne. Sa famille ne se bouscule pas à son chevet, vu qu'il est veuf sans enfant et qu'il n'a plus qu'un frère et une belle soeur à qui il ne parle pas. Mais il ne reste pas sans visite pour autant. Bien malgré lui, il collectionne les rencontres insolites, drôles et attachantes. Il voudrait réfléchir à sa vie et à ce qu'il fiche ici mais on le dérange tout le temps. Pierrot repartira de l'hôpital moins seul qu'il n'y est entré. Roman sensible et drôle sur un sujet qui l'est moins : l'hospitalisation. L'auteur dénonce des choses moches et exaspérantes que l'on connaît déjà mais le ton et les circonstances ici font sourire. Le style vivant et concis donne beaucoup de vie à ces pages qui débordent d'humanité et de bonne humeur. Le personnage de Pierrot, avec sa gouaille et son gentil fichu caractère, apporte une bonne dose d'optimisme plus qu'utile par les temps qui courent. A consommer sans modération aucune !!

J'ai adoré : les remarques et piques énergiques de Pierrot notamment une, récurrente, sur la porte de sa chambre que personne ne ferme jamais. L'histoire simple mais pas banale. 

Un bémol  : je n'aurai pas donné un titre si plat à ce roman si sympa.

Bon rétablissement, Marie-Sabine Roger, Le Rouergue. En vente à partir du 7 mars en librairie et sur mon blog via Amazon.fr.

Marie-Sabine Roger a connu un beau succès avec son premier roman La tête en friches (Le Rouergue 2008) dont Jean Becker a tiré un excellent film avec Gérard Depardieu. Bon rétablissement est son troisième roman. Marie-Sabine Roger a publié auparavant une centaine de livres pour la jeunesse.