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Les frères Rattaire, Philippe Langieux-Villard, Héloïse d'Ormesson.

Incroyable mais vrai !

Ils étaient trois frères: Honoré, Alfred et Louis. Trois garçons d'à peine vingt ans, fils d'un instituteur savoyard, tous les trois morts dans la boue, le froid et la pluie des tranchées de la Grande Guerre. Et pourtant leur nom n'a pas trouvé sa place sur le monument aux morts. Leur père, Adolphe, est instituteur et secrétaire de la mairie du Moutaret, petit village de Savoie de cinq cent âmes. Il les regarde partir au début de la guerre, chacun à leur tour, fier et certain de la victoire. Dans la famille on est instituteur de père en fils, éducateur passionné et ferveur catholique. Adolphe sera en plus un patriote zélé. La mort de ses trois fils au front va le dévaster mais l'honneur de leur sacrifice sera sa seule consolation. Or après guerre, à l'heure où la France pleure et glorifie ses morts, le nom des trois frères Rattaire ne figure pas sur le monument aux morts du village. Pourquoi un tel affront à la famille, qui est à l'origine de cet "oubli" ? Ce texte court retrace avec sensibilité et vivacité l'histoire de ce scandale oublié dans les lendemains de guerre. La plume est superbe de simplicité et retenue. Le souci de justice et l'indignation percent sans jamais sombrer dans le réquisitoire. Une occasion formidable de plonger dans la France profonde de ces années là où la mesquinerie et la bêtise battaient leur plein alors que d'autres se faisaient massacrer.  Edifiant.         

J'ai adoré : Le ton et l'écriture de ce document qui se lit comme un roman, la découverte de cette histoire inouïe qui montre jusqu'où peuvent aller les rivalités stupides de clocher, comment être certain que de telles choses ne se reproduiront pas ? En lisant ce petit bouquin intelligent et en l'offrant.

Philippe Langénieux-Villard fut député de l'Isère, il est conseiller régional Rhône-Alpes et maire d'Allevard-les-Bains (Isère), il est l'auteur de plusieurs essais et d'un roman (Le Livreur 2008). Emu par cette sordide histoire qu'il a découvert par hasard, il en a fait ce court document pour que le nom des frères Rattaire ne soit pas oublié tout à fait par l'Histoire.

Les Frères Rattaire, Philippe Langénieux-Villard, Eloïse d'Ormesson. 128 p, 15 €. En vente sur mon blog. 

Le polar du mois : Les larmes de diamant, Deborah Crombie, Albin Michel.

So british !

Londres dans les années 80. L'une des superbes créations de joaillerie art déco signée Jakob Goldshtein se fait remarquer dans le catalogue d'une prestigieuse salle de vente. Cette broche d'exception avait disparue depuis plus de cinquante ans. Sidérée Erika Rosenthal, fille du créateur, veut tout savoir : qui est le propriétaire de ce bijou ? Où était-il passé pendant toutes ces années ?  Pourquoi cette mise en vente ? Son père lui avait offert cette pièce unique quand elle s'est sauvée de l'allemagne nazie avec son mari. Elle croyait l'avoir définitivement perdue. La revoir fait surgir un passé douloureux dont la mort brutale et mystérieuse de David, son mari. Pour résoudre l'énigme, Erika demande l'aide de son amie Gemma inspecteur de police, mariée à un commissaire de Scotland Yard. Mais les secrets du beau bijou ne se livrent pas sans danger, les meurtres s'enchaînent étrangement. Cette innestimable pièce de collection porterait-elle malheur ?... Excellent polar dans la plus pure tradition des savoureuses enquêtes anglaises. Le roman est formidablement bien construit avec des allers et retours entre le présent et le passé. On évolue dans la hight sociéty anglaise des années 30 qui fleurtait dangeureusement avec les idées d'Hitler, dans celle menaçante de Berlin, et dans le Londres chic et futile d'aujourd'hui. Menée sur un ton vif et efficace, l'enquête enchante et captive. Réussite totale.

J'ai adoré : le couple d'enquêteurs qui s'aiment en bossant tout le temps, les virées dans les rues de Londres, l'évocation du passé à travers un objet "maléfique", l'enquête style Agatha Christie où l'on croit tout deviner avant la fin.

Traduit de l'anglais (américain) par Nicole Hibert.   

Les larmes de diamant, Deborah Crombie, Albin Michel.

352 p 19,50 €. En vente sur mon blog.

 

BRAVO !!! HAROLD COBERT RECOIT LE PRIX DU STYLE 2010

Son roman "L'entrevue de Saint-Cloud" (voir ma note du 27 septembre ) est un de mes coups de coeur de septembre. Sa plume simple et élégante a également été remarquée et distinguée par un des (nombreux) Prix Littéraires de cet automne : le Prix du Style.
Non seulement c'est super mérité mais cela fait plaisir pour lui. Il a été cité dans de nombreuses sélections. C'est tout de même bien qu'il reçoive un truc...

Le Prix du Style a été créé il y a six ans par le label littéraire Plume et Plomb. Il récompense la qualité stylistique d'un livre écrit par un auteur vivant, de langue française et paru dans l'année. Son fondateur est Antoine Bueno, écrivain. On peut se demander à cette occasion : mais que récompense donc les autres Prix Littéraires si ce n'est le style ? Il vaut mieux pas trop s'attarder sur les qualités d'écriture de certains romans primés. Cela fiche le moral en l'air. On se réjouit pour Harold Cobert et on retient son nom, il n'a pas fini de nous rendre heureux.

On lit donc, si ce n'est pas déjà fait, "L'entrevue de Saint-Cloud" (Héloïse d'Ormesson). Bref, séduisant et brillant roman. L'auteur imagine l'entretien ultra privé et historique entre la Reine Marie-Antoinette et Mirabeau quand celui-ci veut la convaincre qu'il n'y a que lui qui puisse sauver la monarchie. Comme elle ne peut pas le saquer, elle l'écoute d'une oreille méfiante mais elle l'écoute quand même. Savoureux dialogues qui nous font réfléchir aux destins étranges des nations. A lire absolument.

Harold Cobert a publié une thèse et un essai sur Mirabeau (c'est son dada!!) mais il a aussi écrit un délicat roman "Un hiver avec Beaudelaire". A lire aussi.

"L'entrevue de Saint-Cloud" est en vente sur mon blog.    

 

Satan Lake, Joanne & Gerry Dryansky, Actes Sud.

Douloureux !

Angie et Ross ont treize ans lors de cet été 1984. L'âge de tous les rêves. Ils vont pourtant vivre un cauchemar. C'est Angie qui raconte avec beaucoup d'humour, tendresse et désarroi. Tous les deux ont des parents "démissionnaires". Les parents d'Angie sont divorcés, le père drague les Lolitas et ne veut pas s'encombrer de sa fille, la mère mène une vie sexuelle dissipée qui va mal avec l'éducation d'une jeune fille. Du côté de Ross, sa mère se meurt d'un cancer, c'est Ross qui prend soin d'elle, le père est flic et dépassé par la douleur. Angie et Ross viennent de se rencontrer quand une série de meurtres sauvages terrorisent la petite ville paisible dans laquelle ils vivent. Malmenés dans leurs familles, fragilisés par le monde qui explose de violence autour d'eux, face à l'incapacité des adultes, Angie et Ross signent un pacte d'amitié à la vie à la mort qui va les conduire aux portes de la catastrophe. Roman terrible et terrifiant sur la violence faite aux adolescents en perte de repères. Récit conduit sur le ryhtme d'un excellent polar avec serial killer en action et angoisse passive de la bonne société. Les auteurs analysent avec efficacité les conséquences de l'incurie des adultes dans le monde d'aujourd'hui. Ils brossent aussi le portrait d'une middle classe américaine bien pensante et hypocrite qui refuse de voir le mal là où il frappe. Redoutable.   

J'ai adoré : les deux jeunes ados tellement plus mûrs, sensés et plus forts que les adultes. J'ai été impressionnée par le phénomène de contamination de la violence chez les jeunes et ses risques de débordement. Un roman intelligent qui fait réfléchir. 

Traduit de l'anglais (américain) par Estelle Dégez. 

Satan Lake, Joanne & gerry Dryansky, Actes Sud, 304 p, 22,50 € en vente sur mon blog : http://www.leslivresquejaime.net/

 

 

  

Les roses de Tlemcen, Marie-Claude Gay, Presses de la Cité.

La vie en rose !

Angélina a seize ans quand elle quitte sa Sicile natale au bras de son mari, un quasi inconnu rustre et brutal imposé  par son père. Ils prennent le bâteau comme tant d'autres familles de vignerons pour fuir la misère. En 1868 le phylloxera a détruit durablement tout le vignoble, il n'y a plus de travail. Ils  partent pour l'Algérie, nouvelle terre Française à cultiver et à bâtir. Des concessions sont offertes aux vaillants travailleurs. Des français se précipitent, mais aussi des espagnols et des italiens. Sur le bâteau qui emporte Angelina vers son destin, des liens se créent entre les familles d'émigrants. Les épreuves qui les attendent sur terre auront bien besoin de leur solidarité et amitié. Le périple pour arriver à se poser quelque part dans ce  pays  beau et vierge  est périlleux et douloureux. Comment Angelina et sa nouvelle famille vont s'en sortir ? Que trouveront-ils au bout de la route ? Le voyage valait-il le coup ? Les arabes, berbères et touaregs installés sur place  n'apprécient pas cette invasion d'infidèles et ils le diront, violemment. Roman  historique passionnant sur les pionniers de l'Algérie de la fin du 19è  siècle. Il questionne, l'air de rien, sur  la quête éternelle d'un ailleurs meilleur. Très documenté, très précis, le récit captive totalement. L'écriture est vive et le ryhtme allègre. La trame sentimentale apporte un peu de douceur dans ce nouveau monde assez brutal.

J'ai adoré : les descriptions des paysages algériens, les précisions historiques, le courage fou qui accompagne certains personnages. Un bémol : il manque une carte de l'Algérie de l'époque pour suivre le voyage.

Les roses de Tlemcen, Marie-Claude Gay, Presses de la Cité. 368 p 21 €. En vente sur ce blog (colonne de droite).

 

  

J'ai aimé au ciné: l'homme qui voulait vivre sa vie

Une fois n'est pas coutume : le film d'Eric Lartigau a plus de force que le roman de Douglas Kennedy dont il est inspiré.

L'histoire est celle d'un jeune avocat qui a renoncé au rêve de devenir  reporter photographe pour faire ce que son père attendait de lui : réussir et gagner beaucoup d'argent. Il est avocat, il a une  femme blonde frustrée comme lui, deux jeunes enfants, une belle maison en banlieue chic, il boit beaucoup, dépense plein d'argent, il n'est pas heureux et pleure sur lui-même. Un jour, un accident terrible va l'obliger à changer brutalement de vie. Il va être obligé de disparaître, changer d'identité et  finalement  être le photographe qu'il a toujours rêvé d'être. Va-t-il trouver l'apaisement ? Est-ce que le bonheur est à ce prix ?

A part le fait que l'un se  déroule aux USA et l'autre en France, le  film colle au roman de manière troublante. Le ton du début, léger et mondain, vire soudain au sombre thriller haletant. La bascule est plus violente dans le film. Le roman prend son temps. Il analyse le sentiment d'échec, la solitude, l'agonie d'un couple aux ailes brisées. Le malaise  y est plus fort, plus sensible.

Le réalisateur s'attache essentiellement au personnage de Paul. Il est centré sur sa passion inassouvie, sa vie de famille râtée, son désir refoulé. Le roman se déploie autour de plusieurs autres personnages très intéressants comme sa femme, romancière sans succès, un  brillant vieux journaliste alccolique, une nouvelle compagne. Mais cela dilue la tension.

La fin du film est beaucoup plus intéressante que celle du roman, moins sentimentale, plus positive et plus exhaltante.

Le roman pose la question de comment réussir sa vie, le film y répond.

Le  roman et le film se complètent. Il faut donc voir l'un et lire l'autre, dans le sens que l'on veut...

L'homme qui voulait vivre sa vie, Douglas Kennedy, poche Pocket, 7,30 €.

 

Jours d'enfance, Michiel Heyns, Ed Philippe Rey.

Révoltant !

 En 1963 Simon, fils unique, vit avec ses parents dans une petite ville arriérée d'Afrique du Sud là où l'apartheid cloisonne tellement les hommes que les noirs sont absents du quotidien. On en parle pas et ils n'apparaissent même pas dans ce roman. Le jeune Simon raconte ses années d'enfance, son père magistrat anglais, sa mère Afrikaner, l'école, son chien adoré, ses amitiés et leur lot de déceptions, ses premiers émois sexuels. Il tait mais laisse intelligemment percer l'hypocrosie des adultes, leur stupidité, leur morale coincée et féroce. L'innocence, la maladresse et l'humour de Simon donne un charme particulier au récit. L'histoire débute avec une compétition de tennis que l'école afrikaner de Simon, alors âgé de 16 ans, doit mener contre une école anglaise. Parmi les joueurs Simon reconnaît Fanie son copain de plus petite école. Les souvenirs remontent au fur et à mesure que le match se met en place. On fait connaissance avec ceux que Simon a aimé dans le passé et qui l'ont initié à la cruauté de la vie plus sûrement que les livres : Betty la téléphoniste, Klasie le receveur des postes, Trevor le coiffeur à la chemise rose, Steve à la moto provocante, l'odieux instituteur Mr De Wet, la venimeuse Juliana, les bonnes dames de la paroisse... On découvre le fossé social qui sépare Simon et Fanie. Et si dans cette partie de tennis de grands adolescents ce qui se jouait réellement était la différence entre Africaners et Anglais ? Conflit idiot de race et de classe dans cette petite communauté autocentrée sur elle-même. Roman plus grave et profond que ne le laisse penser le ton naïf et enfantin du narrateur. Tout se joue dans l'enfance dit-on, pour ces enfants la confrontation avec la bêtise a débuté un peu tôt.          

J'ai adoré : le personnage du jeune Simon tendre et crédule mais aussi avide de justice et d'amour, l'esprit percutant et insolent de sa mère, la peinture d'une société : le climat social de l'époque, la révoltante ignorance et bêtise des gens "bien pensant", les rivalités sournoises entre africaners et anglais. 

Traduit de l'anglais (Afrique du Sud) par Françoise Adelstain.

Jours d'enfance de Michiel Heyns, éditions Philippe Rey. 288 p 20 €. En vente sur mon blog : http://www.leslivresquejaime.net/

Premier roman paru en 2002 et qui a connu un incroyable succès en Afrique du Sud et en Angleterre. Michiel Heyns a été professeur d'anglais avant de se consacrer entièrement à l'écriture.

 

 

Poivres, Gérard Vives, Rouergue.

Ce beau livre se dévore comme un excellent polar avec l'auteur dans le rôle du traqueur d'épices à travers le monde. Il choisit ses zones de production, là où se cache "le" poivre recherché et il le déniche, cultivé par de bons petits producteurs habiles. Ensuite il veille à le mettre à l'abri, il protège ses sources car, côté en bourse, le poivre est très convoité par de cupides négociants. Le trafic bat son plein et les trafiquants font leur beurre en vendant de tristes ersatzs aux pauvres amateurs de saveurs que nous sommes. Donc la filière des excellents poivres est sécurisée par Gérard Vives (sur la photo il a une tête de gentil baroudeur). Il nous rassure et il en profite pour nous mettre au parfum : n'est pas "poivre" qui veut. On apprend tout de l'histoire millénaire et corsée du roi des épices, des différents sortes de poivres, on en voit de toutes les couleurs, des vrais et des faux ! Oui, oui c'est comme les pierres précieuses... J'adore certains noms qui me font totalement rêver : poivre du Jaborandi, poivre des Ashantis, poivre Lindi ou poivre du Kissi. Il y en a tant et tant. Incroyable. La botanique n'est pas oubliée ni la littérature et ses expressions imagées et populaires. Savez-vous ce que signifie "se faire du poivre" ? "moudre du poivre" ? ou encore "poivrade" ? Réponses en pages 40 et 41.

Côté fine bouche, les conseils d'utilisation, sélection, conservation ne manquent pas. Les 106 recettes sont joliment classées par type de poivres : vert, noir, blanc, rouge... On apprend avec quoi les associer, quelles saveurs on doit retrouver à la dégustation. Et puis après l'histoire, les origines, la science, etc. Les recettes arrivent comme le grand chariot des desserts, quel festin ! J'ai envie de goûter: "les poireaux à l'anis vert avec du poivre blanc de Malabar", "les brocoli mariné avec poivre noir de Kappad", "les foies de volaille au Balsamique avec poivre rouge Cambodia" ou encore "la compote d'abricots au romarin et poivre Cubèbe". Miam.

J'ai adoré : ce très beau livre intelligent, passionnant, conctocté par un passionné généreux qui donne tout, ses découvertes, ses connaissances, ses idées, ses essais. Les photos de John Bentham sont superbes, la mise en page de Philippe Magnon une merveille d'élégance. Bravo au Rouergue pour ce cadeau qui nous "empoivre" de beauté.

Poivres, Gérard Vives, 192 p, 29 €. Rouergue. En vente sur mon blog : http://www.leslivresquejaime.net/

Gérard Vives a été restaurateur et a créé trois épatants restaurants dans le  midi de la France. Il développe aujourd'hui une activité d'importateur d'épices d'exception. Son premier livre de cuisine "La bonne cuisine, bon marché, bonne pour la santé" (Rouergue) a remporté le 1er Prix du Festival de Littérature Grourmande 2009. Pour acheter les meilleurs poivres du monde sélectionnés par Gérard Vives : http://www.lecomptoirdespoivres.com