lillyinthevallee

Red Room Lounge, Megan Abott, Le Masque.

Thriller machiavélique. Hitchcock en aurait fait un film étrange et perturbant comme il savait si bien les faire. Nous sommes dans les années 50 à Pasadena, Lora est une institutrice sage et rangée qui ne vit que pour son frère Bill, jeune policier. Ils partagent la maison de leur enfance héritée de leur parents. Leur entente est parfaite et leur complicité totale. Mais un jour Bill s'entiche d'une belle et mystérieuse Alice qu'il épouse aussitôt. Lora doit alors déménager et accepter sa nouvelle étrange belle-soeur pour ne pas perdre l'affection de son frère. Mais Lora ne peut s'empêcher de s'interroger ni de s'inquièter au sujet de ce couple si mal assorti. Si Bill est envoûté, Alice exerce sur Lora un mélange de fascination et de répulsion troublant. Quand Lora commence à fouiller le passé glauque d'Alice, elle ne sait pas où elle met les pieds mais une chose est certaine elle est prête à tout pour retirer Bill de ses griffes. Excellent roman psychologique. Les personnages et leurs caractères ambigüs donnent toute la tension dramatique à cette histoire. L'affrontement policé des deux femmes est passionnant de perversité. L'écriture vive et les dialogues accrocheurs font dévorer ce thriller à toute allure. La fin déroute totalement.

J'ai adoré : l'ambiance des années 50, la pointe de glamour, les chocs des cultures entre les deux personnages féminins, la tension qui s'accélère en seconde partie du roman et le dénouement inattendu et cruel.

Red Room Lounge, Megan Abbott, Le Masque. Traduit de l'anglais (américain) par Jean Esch. 308 p 20€, en vente sur mon blog.   

Megan Abbott, docteur en littérature anglaise et américaine, connaît un grand succès aux Etats-Unis. Ce roman est son premier, il vient de paraître en France. Nous avons découvert avec un plaisir fou son second et remarquable livre Adieu Gloria en début d'année. Voir mon coup de coeur d'avril : clic ici. 

Le passager, Jean Christophe Grangé, Albin Michel.

Comme beaucoup, je refuse de lire les romans à gros succès, la cavalerie des best sellers, surtout lorsqu'ils sont français. Je suis convaincue qu'ils sont faciles, pas trop bien écrits,  pas passionnants. Pas très bons, quoi. Comme si un bon roman était d'abord un roman confidentiel. Idiot cet apriori. Un peu de curiosité !!! Utile pour savoir de quoi je parle et ce que je refuse. Alors voilà, j'ai décidé de faire un essai avec le nouveau très gros roman de Grangé. Jamais lu cet auteur à énorme succès avant...

...Et patatra, j'en suis devenue accro dès les premières pages. Ce n'est pas de la grande littérature ? Comment dit-on, alors, face à une écriture riche, un rythme narratif impressionnant, une construction époustouflante, des idées incroyables, des personnages crédibles et une maîtrise de la tension dramatique rarissime ? Je ne sais pas, moi je dis que c'est un sacré bon bouquin.  En plus du plaisir de lecture, j'ai appris plein de trucs sur la psychanalise, la mémoire, la mythologie grecque, les tableaux de Courbet, les daguérotypes,  je ne me suis pas ennuyée une seconde et mieux que ça : je me débrouillais pour retrouver le héros de Grangé dans la journée dès que je le pouvais. Ce qui ne m'arrive pas très souvent avec un roman français. Son personnage, qui prend différents visages (ou les perd plutôt), est très inquiétant et attachant, la fliquette qui enquête en parallèle aussi, les aventures qu'ils traversent tous les deux dans la violence et la démence donnent la chair de poule. Je ne vous raconte pas l'histoire car c'est impossible et ce serait dommage. Il faut vraiment lire ce gros pavé sans rien en savoir. La 4è de couverture est d'ailleurs très bien faite. Je suis d'accord, Jean-Christophe Grangé est LE maître du thriller français. Nous en avons un et il n'a rien à envier aux américains ni au nordiques. A lire absolument ! Moi je vais lire ses autres romans maintenant...

Le passager, Jean-Christophe Grangé, Albin Michel. 752 pages, 24,90€. En vente sur mon blog.

J'ai adoré : Tout, absolument tout, sauf la fin car l'histoire était finie...Sans être totalement terminée.

Jean-Christophe Grangé a une cinquantaine d'années, il vit à Paris, il est tout sauf une star donc on ne connait pas son visage. Avant d'être thriller man à succès il a  été journaliste-reporter. Ses romans sont souvent adaptés au cinéma sans connaître le même engouement que ses écrits. Comme quoi...

De vieux os, Louise Welsh, Métailié.

Etrange et palpitant. De vieilles histoires de hippies hallucinés remontent à la surface d'une boue glacée, sur l'île de Lismore, au nord de l'Ecosse. Celui qui remue le passé est un jeune prof de littérature, Murray Watson, entiché d'un obscur poète des années 70, Archie Lunan, mort tragiquement sur l'île à l'âge de 25 ans. Parce qu'il a le projet d'écrire la biographie du poète, le prof cherche, fouille, traque les minces informations sur sa vie   et sa mort. Il finira par déterrer quelque chose qui ne devait pas l'être et  découvrir que la jeunesse des professeurs qu'il cotoie n'est pas aussi cool qu'ils le disent. Murray se met en danger. Qui a intérêt à ce que son livre ne paraisse jamais ?... Roman mystérieux aux allures de thriller littéraire et psychologique. La plongée dans les années 70 avec ces  étudiants mêlant littérature et drogues illicites ne fait pas rêver mais l'époque a quelque chose d'obscur et envoûtant. L'auteur sait formidablement bien se servir de cette ambiance pour tisser une enquête en forme de quête identitaire. En pistant le poête maudit Murray, en conflit avec son frère et en plein chagrin d'amour,  se cherche lui-même. A moins que la littérature ne soit sa  seule vraie ambition. Les vies de Murray et Archie finissent pas se ressembler, se mêler, se confondre. Séduisant récit construit avec finesse et agilité. Il est impossible de lâcher ces pages à la belle écriture si captivante. L'auteur maîtrise l'art du récit sous tension à la perfection ainsi que l'alchimie des personnages. Une réussite totale.

J'ai adoré : Le personnage de Murray un peu paumé et tellement déterminé, le climat écossais froid et pluvieux qui fait écho au passé sombre, l'écriture haletante et vituose.

De vieux os, Louise Welsh, Editions Métailié, traduit de l'anglais (Ecosse) par Céline Schwaller. 384 p 21 €. En vente sur mon blog.

Louise Welsh est libraire à Glasgow (une fille bien, forcément!). Elle est l'auteur de plusieurs best-sellers et a reçu deux Prix prestigieux : Crime Writers' Association Creasy Dagger et Saltire First Book Award. En Français, son excellent roman Tour Maudit a été publié en 2007 (Métailié).

Flétrissure, Nele Neuhaus, Actes Sud

Le polar du mois ! Un secret de famille bien gardé depuis plus de trente ans, une famille d'industriels allemands riches et bien en vue, des meurtres cruels de vieillards respectables, une paire de policiers perspicaces et tenaces. Voilà les ingrédients de cet excellent polar historique qui nous ramène au coeur de l'allemagne nazie. On croit toujours avoir tout lu sur cette époque et on découvre toujours un nouveau volet sombre et moche. Nous sommes à la fin de la guerre, et profitant du chaos général, des SS ont usurpé l'identité de juifs martyrs. Je ne vous révèle rien de l'intrigue en vous disant cela car les policiers de Francfort font cette stupéfiante découverte en autopsiant le premier cadavre. Un vieil homme riche, juif et influent. Sur son bras se devine la trace effacée d'un tatouage que portait tous les nazis : leur groupe sanguin. Ce mort étrange n'est que le premier d'une série. Qui a découvert l'horrible imposture et qui règle ses comptes ? Intrigue impeccablement ficelée avec des retours intéressants dans le passé et des personnages crédibles. L'auteur dénonce l'opacité des origines de certaines grosses fortunes ainsi que la faiblesse du pouvoir qui préfère toujours étouffer le scandale plutôt que d'y faire face.   Ce roman se dévore d'une traite tellement on veut connaître l'identité du meutrier et savoir ce qu'il sait. La construction méticuleuse du récit permet de suivre l'enquête avec ses rebonds et ses fausses pistes. On croit tout avoir compris et puis non, ce n'est pas ça. La fin laisse baba.

J'ai adoré : L'intrigue, le profil psychologique des personnages, les nombreuses pistes qui s'offrent à notre sagacité et les relations familiales détestables.

Flétrissure, Nele Neuhaus, Actes Sud Noir, traduit de l'allemand par Jacqueline Chambon. 384 p 22,50€. En vente sur mon blog. 

Nele Nehaus vit près de Francfort. Elle a travaillé dans une agence de publicité avant d'écrire son premier roman policier qui a rencontré un succès immédiat. Flétrissure est son premier roman traduit en français.    

Le polar du mois : L'homme qui rêvait d'enterrer son passé, Neil Cross, 10/18.

Affolant ! Un polar psychologique totalement glaçant. Quelle réussite. J'avais loupé le grand format, il y a à peine un an, et le voici déjà en poche. Extra. Cela débute joyeusement avec une party entre happy fews anglais avec ce qu'il faut d'alcool, de drogue et de sexe. Nathan, Bob et Elise, bien allumés, sortent prendre l'air et en profitent pour batifoler tous les trois dans la forêt voisine. Ce qui aurait pu être une bêtise de jeunesse et un mauvais souvenir vire au cauchemar quand Elise meurt soudainement dans les bras de Bob. Les garçons paniquent, enterrent le corps de la jeune fille et se séparent en se jurant de ne plus jamais se revoir et d'oublier. Nathan ne pourra jamais penser à autre chose. Sa vie va prendre un virage différent. Il ne sera pas celui qu'il devait être après ses études. Il y aura un avant et un après Elise. Il dépensera une énergie folle à se racheter à ses propres yeux, jusqu'à approcher de près la famille d'Elise, mais sa conscience ne se laissera pas facilement amadouer. Il va vivre des heures, des journées et des années le ventre noué. Ce n'est pas tant la peur qui le tenaille que les remords. Pourtant un jour, à force d'efforts et de lutte, il finit par se sentir propre. C'est pourquoi quand, quinze ans après, Bob surgit chez Nathan la panique s'empare de lui... La construction du roman tourne autour des angoisses de Nathan. Elles sont terriblement communicatives et c'est ce qui est génial. On vit sa "rédemption" douloureusement page après page. J'ai eu la trouille et la rage, comme lui. Il est coupable mais innocent quand même. C'est incroyablement bien fait. Cette empathie totale avec le héros fait vibrer sur la même corde que lui et empêche de poser le bouquin. L'écriture précise, énergique et sans concession de l'auteur y est sans aucun doute pour quelque chose. Les émotions sont merveilleusement bien analysées sans discours psy. Je n'avais plus envie de quitter Nathan.

J'ai adoré : La façon dont l'auteur a exploré toutes les manifestations de la culpabilité et toutes ses expressions, c'est passionnant et original. La plume incisive de l'auteur est impressionnante.

L'homme qui rêvait d'enterrer son passé, Neil Cross, traduit de l'anglais par Renaud Morin. 10/18. 357 p 8,20€. En vente sur mon blog.

Neil Cross est anglais et il vit en Nouvelle-Zélande. Romancier et auteur de scénarios pour la télévision, ce roman est son premier polar. Son second, Captif, vient de paraître chez Belfond.

  

Le polar du mois : Le dernier homme bon, A.J. Kazinski, JC Lattès

Impressionnant, captivant, excellent !! Ce roman a pour sujet un thème pas banal et peu traité dans le thriller : le Bien. Dans la littérature policière nous avons l'habitude de nous retrouver face au Mal et à ses détestables artisans. Mais pas d'imaginer, comme ici, une menace contre ceux qui font le Bien. Qui sont-ils ces femmes et hommes qui sauvent des vies et dispensent bien-être, gentillesse et générosité ? Ces bienfaiteurs de l'humanité. Des médecins, chercheurs, avocats, professeurs, etc. Et même des policiers. Mais voici qu'un tueur fou décide de les supprimer les uns après les autres. Un peu partout dans le monde des hommes et des femmes meurent soudain dans des conditions violentes étranges.  Ils présentent tous les mêmes points communs : même mort foudroyante, même âge, même vilaine cicatrice dans le dos et surtout ils oeuvrent tous, chacun dans leur domaine, pour le bien des humains. Pourquoi eux ? Deux policiers vont remarquer ces curieuses similitudes et s'intéresser de près à leur sens mystérieux. Il y a Tommasso di Barbara à Venise et Niels Bentzon à Copenhague. Mais ils seront isolés dans leurs recherches et dans leur quête de la vérité car leur entourage les prendra pour des cinglés. Enfin presque, Niels Bentzon va se faire aider par une brillante astrophysicienne. C'est elle qui va soulever le voile du mystère et en même temps affoler Niels : le prochain meurtre aura lieu à Copenhague alors que la ville est en pleine organisation d'un sommet international sur le climat. Une course dingue contre la montre s'engage... Ce roman ne nous laisse respirer qu'à la fin. Sa construction est formidable, la tension psychologique finement entretenue, les personnages d'une humanité épatante et l'intrigue subtile. J'adore la brillante démonstration de logique mathématique mêlée à un vieux mythe du Talmud. Quelle trouvaille ! Ce récit nous  entraîne également dans une réflexion intéressante sur ce qu'est la bonté, comment elle se manifeste, qu'est-ce qu'un Homme bon, n'est-ce pas "normal" de l'être. Et aussi sur la mort, celle du corps et celle de l'esprit. Passionnant. Un roman à lire absolument !!

J'ai adoré : le rythme fou de la première partie, l'analyse claire de la seconde partie et le dénouement inattendu de la dernière partie, les références méconnues à la religion juive, le policier Niels Bentzon et ses angoisses. Pas d'épanchement sanguinolent ici mais une vraie trame psychologique. Il paraît qu'une suite est en préparation, youpee !!!

Le dernier homme bon, A.J.Kazinski, JC Lattès, formidablement bien traduit du danois par Frédéric Fourreau. 566 p  22,50 €. En vente sur mon blog.

Rappel : Pour commander le roman de votre choix il faut cliquer sur la couverture du livre dans la colonne latérale du blog (celle qui est sur votre droite). Vous êtes dirigé vers Amazon.fr qui vous livre gratuitement et me reverse 5% du prix de votre commande. Merci de soutenir ainsi leslivresquejaime.net !

A.J.Kazinski n'existe pas. Derrière ce pseudo il y a deux auteurs et scénaristes : Anders Ronnow Kharlund et Jacob Weinreich. Ce duo est leur première collaboration mais pas la dernière. Le dernier homme bon est déjà traduit dans 15 langues.

   

Le polar du mois : Adieu Gloria, Megan Abbott, Le Masque.

Glamoureux et sulfureux !

Gloria est une reine de la pègre comme il n'en existe que dans les romans noirs des années 50 : fatale, glaciale et forte. Ses longues jambes, ses tailleurs stricts et chics, ses mains gantées de soie fascinent la jeune narratrice de vingt deux ans. Elle la rencontre dans l'arrière salle d'un tripot où elle trafique la comptabilité. C'est l'éblouissement. C'est elle qui raconte, comme un témoignage, comment elle a accepté de suivre cette femme somptueuse, de travailler pour elle et d'être initiée au monde glauque du jeux, des casinos et des chevaux de courses. Gloria sera son pygmalion. La novice l'imitera en tout, apprendra à marcher comme elle, s'habiller, parler, se taire, se faire respecter des hommes.Très vite le monde de la nuit, des interdits, l'argent facile vont lui plaire. Elle dit sa naïveté avec lucidité, son émerveillement, son admiration mais aussi sa loyauté, sa reconnaissance. Elle gagne la confiance de Gloria, se voit confier des missions de plus en plus importantes quand elle tombe folle amoureuse d'un séduisant joueur looser et manipulateur. Sa relation avec Gloria va alors changer, l'ambiance du récit également... Epatant roman sur le mensonge et la trahison, les luttes de pouvoir, l'initiation, l'ascension et la chute. Deux femmes se font face, se mesurent et s'affrontent avec la même perversité, ruse, séduction et violence. Des rôles habituellement tenus par des hommes. C'est toute l'originalité de ce roman avec son ton tonique et ses dialogues gouailleurs. Tout se visualise comme dans un film en noir et blanc au charme surrané. La psychologie complexe des deux personnages féminins est, elle, bien actuelle tout comme la tension qui grimpe dans les aïgus. Avec un style à la Raymond Chandler et un génial talent de conteuse, Megan Abbott nous captive. A lire absolument. On passe un sacré moment avec ces deux nanas là!

J'ai adoré : L'ambiance talons aiguilles, belles voitures et rouge baiser venimeux. L'ambiguïté des personnages, la sympathie évidente qu'ils dégagent et la répulsion immédiate. La narratrice naïve et rêveuse d'une vie meilleure pourrait être n'importe qui. Tout est question de rencontre.

Adieu Gloria, Megan Abbott, Le Masque. Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Nicolas Richard. 256 p 19,50 €. En vente sur mon blog.

Megan Abbott est docteur en littérature anglaise et américaine de l'université de New-York. Célébrée en 2006 comme la révélation du jeune roman noir américain elle a reçu le prestigieux Edgar Award pour Adieu Gloria. Son premier roman a été publié en France en 2009 Absente (Sonatine).

 

L'année du rat, Régis Descott, JC Lattès

Terrifiant !

Tout commence par une prophétie macabre qui annonce une étrange mort au lieutenant Chimovski. Il s'en fiche pas mal, il a mieux à faire dans l'immédiat. En flic confirmé et compétent il est envoyé sur une scène de crimes particulièrement atroces : Le massacre de toute une famille sous les morsures d'un animal non identifié. Ce drame l'intrigue et l'inquiète encore plus quand il prend connaissance des résultats  des analyses d'ADN. Le voilà en présence d'un cas jamais rencontré : les assassins sont des hybrides, entre homme et animal. Son enquête nous plonge dans les sombres perversités de la manipulation génétique et des OGM. Et ici il ne s'agit pas de gentils grains de maïs... Nous sommes dans un futur proche, dans quelques décennies, et Paris est devenu une mégapole géante où règne les bio généticiens et leurs pilules d'éternelle jeunesse. Jusqu'où peut aller leur appétit de pouvoir et de puissance ?   Roman d'anticipation et polar palpitant qui fait froid dans le dos jusqu'à la moelle. Très bien documenté, fourmillant de détails et données scientifiques clairement exprimés, cette histoire nous laisse entrevoir un avenir d'autant plus angoissant qu'il paraît probable. Impossible de refermer le livre dès qu'on a mis le nez dedans, comme Chimovski : on veut absolument savoir. Dieu merci des traits d'humour ici et là nous font respirer, comme la transformation de Beaubourg en sanatorium et celle de l'église St Sulpice en centre des impôts. Par ailleurs les gadgets électroniques et informatiques du quotidien sont dignes d'un excellent James Bond. Et puis il y a une vraie et belle histoire d'amour avec de belles envolées. Cela rassure, demain l'amour existera encore. Avec une formidable imagination, une grande maîtrise du suspense et une écriture percutante, Régis Descott captive totalement. Histoire originale et vertigineuse à lire absolument.       

J'ai adoré : le ton et le rythme formidables de ce polar pas banal. L'écriture possède une élégance naturelle très belle. Les deux personnages principaux sont attachants, surtout le courageux et têtu lieutenant Chim'. J'espère qu'il y aura une suite ! A noter : la couverture étonnante.

L'année du rat, Régis Descott, JC Lattès. 380 p 20 €. En vente sur mon blog.

Régis Descott vit à Paris.  Ce livre est son cinquième roman. A lire, car également étranges et inquiétants, Pavillon 38  (2005) et Obscura (2009) tous les deux en Livre de Poche. 

Arrêtez-moi là! Iain Levison, Liana Levi.

Incroyable mais vrai !

Il y a des jours où la réalité dépasse la fiction. C'est le cas de cette histoire  dont s'inspire le brillant nouveau roman de Iain Levison. Cela se passe aux Etats-Unis, pays de tous les débordements possibles,  et en 2002. Une fillette disparaît de son domicile, kidnapée. La police s'empare d'un suspect et ne le lâche plus jusqu'à en faire un parfait coupable. Il a tout pour ça :  c'est le chauffeur de taxi qui a raccompagné la maman à son domicile le soir même de l'enlèvement et qui a eu la mauvaise idée de laisser des traces sur place. Un pauvre type face à une famille aisée, une police incompétente mais zélée, la presse qui exige un coupable. Et voilà Jeff embarqué, menotté, tabassé, humilié. En attendant son procès, il sera enfermé pendant près d'un an  avec  des comdamnés à mort serials killers cinglés. L'horreur absolue. L'auteur exprime à la perfection tous les états d'âme de Jeff, de l'incompréhension à la stupeur en passant par la peur et l'abattement. On se sent à sa place et on a très froid dans le dos. Heureusement que le récit se fait à la première personne cela donne l'espoir qu'il va s'en sortir. Mais dans combien de temps et dans quel état ? On est suspendu au récit. Ce roman décape totalement. Avec cynisme et une bonne dose d'humour noir, l'auteur  pointe  du doigt les excès  grossiers de la société américaine : les dérapages de  la police  qui veut ressembler à celle des séries américaines télévisées, l'incompétence des avocats pourris par l'appât du gain facile et surtout la bétise dangereuse des médias, dont la télévision qui fait et dit n'importe quoi. Le pouvoir de tous ces abrutis donne le vertige. On ferme le bouquin en soupirant d'aise, on vit en France et ce n'est pas comme ça, quoique...

J'ai adoré : Le sujet, le ton et le suspense. Ce roman fait réfléchir et rend lucide sur notre époque. Le petit bouquin "Indignez-vous" de Stéphane Hessel est à lire dans la foulée.  

Impeccablement traduit de l'anglais (américain) par Fanchita Gonzales Batlle, Arrêtez-moi là Iain Levison, Liana Levi. 256 p 18 €. En vente sur mon blog.

Iain Levison est écossais et à vécu dix ans aux Etats-unis. Il a publié quatre romans qui se moquent avec talent des excès US. Il faut absolument lire un petit boulot (2003 Liana Lévi) jubilatoire à l'extrème.

Je vous apprendrai la peur, Nikolaj Frobenius, Actes Sud

Enigmatique !

Terrible plongée dans la vie d'Edgard Allan  Poe, grand écrivain américain halluciné. Cette étonnante biographie prend la forme d'un des écrits lugubres du célèbre auteur qui, dit-on, a donné naissance au roman policier. Elle distille tension et suspense. Nous voilà dans les rues sombres et glissantes de Baltimore, Philadephie et New-York entre 1820 et 1840. Après une enfance triste et solitaire, Edgar Allan Poe se consacre à l'écriture.  Le succès ne vient pas, même s'il accède à la popularité avec sa nouvelle Le Corbeau. Son caractère ombrageux, son refus des conventions et ses propos féroces sur la littérature lui valent de nombreux ennemis dont le critique littéraire Rufus W. Grinswold. Celui-ci est pasteur non pratiquant, il voit dans Edgard Poe le Mal absolu. Pour lui cet écrivain sinistre, hanté par la mort et la beauté est un déséquilibré, traversé par des éclairs de génie. Il va s'acharner à le perdre. Ce sera sans compter avec un étrange personnage, Samuel Reynolds, albinos noir élévé avec Edgar A. Poe, qui lui voue une admiration sans borne et veille sur lui d'une façon horrible : il reproduit les crimes décrits par son "maître" dans ses contes et poèmes comme l'épouvantable Double assassinat dans la rue Morgue. Ces trois personnages se frôlent, s'affrontent, se fuient. Edgar A. Poe est mort à quarante ans en prononçant plusieurs fois le nom de Reynolds, on comprend ici pourquoi... Roman captivant mêlant le vrai et la fiction avec bonheur. On tremble et on est touché par le personnage de l'écrivain maudit. Il apparaît comme un homme hyper intelligent, sensible, idéaliste, vaniteux et ambitieux. Sa vie de misère et d'angoisse,  marquée par la maladie explique son oeuvre, largement autobiographique. La construction du récit est parfaite, l'écriture fine et percutante, la densité psychologique des personnages remarquable et l'énigme macabre à souhait. C'est un vrai excellent thriller psychologique qui se dévore d'un trait.

J'ai adoré : l'ambiance sombre et étrange, découvrir la vie Edgar Allan Poe ses cauchemars et ses rêves, retrouver l'ambiance Fantastique et gothique de ses contes. Ce roman donne envie de lire ou relire E.A. Poe. Je vous recommande la lecture de la chute de la maison Usher  et puis, bien sûr, Histoires extraodinaires traduit par Baudelaire.    

Je vous apprendrai la peur, Nikolaj Frobenius, Actes Sud. Parfaitement bien traduit du norvégien par Vincent Fournier. 331 p 21,50 €

 Nikolaj Frobenius vit à Oslo et écrit des romans, poèmes et pièces de théâtre. Il appartient à la nouvelle génération talentueuse des auteurs nordiques. Trois de ses romans ont été traduits et publiés chez Actes Sud : La valet de Sade (1998), le pornographe timide (2000) et Je est ailleurs (2004).