lillyinthevallee

Polar du mois : Le jeu du pendu, Aline Kiner, éditions Liana Levi.

Ténébreux !  

Un jour froid de décembre 2004, près d'un petit bourg de Moselle, une jeune fille est retrouvée morte au fond d'une crevasse, en lisière d'une forêt. Pas de traces de violence, elle a été noyée dans la boue, son corps lié par une corde selon un étrange schéma. C'est à ce moment que le jeune Simon Dreemer débarque de Paris, muté au SRPJ de Metz. Il va faire équipe sur l'affaire avec Jeanne Modover, une enfant de ce village de mineurs. Elle est silencieuse et souterraine à l'image de tous les habitants du coin. Ici les vivants vivent à l'ombre des morts. Celle des déportés de la dernière guerre quand la Lorraine était Allemande, celle des massacrés au fond des mines de fer avant leurs récentes fermetures dans la région et celle d'un homme du village pendu honteusement par les résistants au lendemain de la libération. Simon et Jeanne vont enquêter avec difficulté sur ce terrain glissant, argileux et boueux. Une autre jeune fille sera retrouvée morte dans les mêmes circonstances. Comme pour la précédente, la corde qui l'entrave rappelle étrangement celle du Christ Piteux, un christ en croix ligoté comme on en trouve en Lorraine. Qui a décidé de remuer le passé, la boue, la douleur ? Excellent polar dans la veine des romans typiquement français du genre. L'intrigue est dense et fine, elle prend racine dans la réalité économique, historique et sociale d'une région qui a souffert à différentes époques. L'ambiance sombre, glacée et glissante est palpable à chaque page. L'écriture est riche, forte, précise. On dévore ce bouquin d'un trait. Premier roman excellent. A lire absolument !!!

J'ai adoré : l'intrigue parfaite et originale, le déroulé palpitant de l'enquête, le climat glaçant, le contexte historique, et l'écriture belle si rare dans le polar.

Le jeu du pendu, Aline Kiner, éditions Liana Lévi. 240 p, 16 €.          

 

Du pur amour et du saut à l'élastique, Frédéric Pagès, Libella Maren Sell.

Pur régal !

La couverture est un rien kitsch mais le texte est un bonheur absolu. Max de Kool est passionné de philo et dingue de Kant. Il prépare son agrégation (pour la cinquième fois!) et joue les gentils gigolos en vivant chez un top modèle aux jambes sublimes. Leur belle histoire d'amour va se terminer brutalement sous les drilles du sirupeux Julio Iglesias. Max est allergique au chanteur andalou et, dès qu'il l'entend, il devient très violent. La belle va en faire les frais et lui, se retrouver à la rue. Il se réfugie dans un hôtel perdu des alpes pour réfléchir à sa vie avec les conseils joyeux de Nietzsche. Mais voici que débarque une bande d'étudiants marketing en "week-end d'intégration". Adieu la méditation, bonjour sexe, drogue and techno. Max s'adapte. Les excercices en plein air sont au programme mais les jeunes sont surtout motivés pour faire la fête tous les soirs. Lors d'une teuf bien partie, à l'heure des slows, quand la platine roucoule "vous les femmes" Max perd à nouveau les pédales et cogne. Comment va-t-il s'en sortir cette fois-ci ? Heureusement qu'il y a la douce Gertrude, pacifique et fan de Fénelon. Ce roman farfelu, savant et drôle réjouit totalement. L'érudition de Frédéric Pagès impressionne et enchante, son écriture brillante et ses dialogues géniaux sont un grand moment de lecture. Pas de messages cachés ni de trucs compliqués ici, Max de Kool fait rire avec intelligence et parle de philo autrement. Ca donnerait presque envie de se replonger dans Platon!Tellement rare...  A lire et à offrir absolument !!  

J'ai adoré : l'humour à toutes les lignes, le personnage de Max de Kool un peu paumé, un rien malin, obstiné et passionné par ce qui ne passionne presque plus personne : les grands philosophes et leurs pensées.  

Du pur amour et du saut à l'élastique, Frédéric Pagès, Libella Maren Sell, 208 p, 17 €. En vente sur mon blog.  

Frédéric Pagès est agrégé de philosophie et journaliste au Canard Enchaîné, son premier roman L'idiot de la Sorbonne (2007 Libella Maren Sell) était déjà super jubilatoire.   

  

Les amours insolentes, Loustal & Benasquista, Casterman.

Exaltant !

Qui a dit que les gens heureux n'ont pas d'histoire ? Tonino Bénaquista et Jacques de Loustal prouvent le contraire avec cet album original et ses dix sept formidables histoires courtes pleines de charme, tendresse et malice. Variations sur le thème des couples qui durent, des amours qui s'inscrivent dans le temps, teintées d'un vague ennui apparent. Les auteurs imaginent les secrets de ces couples qui défient l'usure et l'érosion, ceux qui demeurent ensemble avec bonheur jusqu'au bout. Chaque histoire est illustrée par douze cases de dessins au trait impeccable et vivement colorés. La belle histoire qui ouvre l'album donne le ton. Sylvie et Patrice se sont jurés un amour éternel à une seule condition. On imagine tout sauf la fin de l'histoire et la découverte de leur secret d'amour. Il y a de l'humour et beaucoup de sensibilité dans ces scénarios. Ils mettent l'accent sur les liens profonds et invisibles qui relient deux êtres. Les textes sont d'une efficacité extraordinaire, comme toujours chez Tonino Benaquista (quel talent !). Les dessins de Loustal quittent leurs sombres lignes habituelles pour des couleurs denses et pleines. Réussite totale. On y pense pour la Saint-Valentin, une nouvelle façon belle et intelligente de dire je t'aime.  

J'ai adoré : la vision positive du couple c'est tellement rare, cela fait du bien. La force graphique des dessins qui accompagnent parfaitement bien le ton du texte. Ce duo est une réussite étonnante, on espère qu'ils vous recommencer très vite . 

J'ai regretté : le look de la couverture, pas à la hauteur des pages intérieures. Dommage.

Les amours insolentes, Loustal & Benaquista, Casterman, BD 144 p 20 €. En vente sur mon blog.

La secrète mélancolie des marionnettes, Denis Grozdanovitch, l'Olivier.

 Séduisantissime !

Il nous a épaté avec un traité faussement désinvolte, l'art de prendre la balle au bond, où son esprit vif, son humour et sa belle maîtrise de la langue française, faisaient merveille. Voici Denis Grozdanovitch de retour avec un premier roman subtil. Pour tous ceux qui aiment les mots, leurs doubles sens, contresens et sens cachés, ces pages se dégustent avec une délectation gourmande. L'histoire débute comme on aime par une rencontre amoureuse qui pourrait avoir une suite heureuse si... Mais voilà notre auteur en route pour Florence où l'attend une Contesse dans sa belle demeure pour écrivains en quête de tranquilité créative. Il écrira un peu et fera des rencontres étonnantes, des personnages avec qui il aura des conversations légères et graves à l'image de la vie qu'il refuse de prendre au sérieux. il y aura une libraire, un prêtre, la riche Comtesse évidemment et un étrange marionnettiste. Ces échanges sont nourris de multiples références littéraires et philosophiques. Les conversations se mêlent aux danses et pensées des marionnettes lors d'un spectacle mémorable. Des poupées animées par la pensée du marionnettiste qui nous renvoie à notre statut de simple pantin. Nous nous agitons avec l'audace de prétendre être maîtres de nos pensées. Mais qui tire nos ficelles ? Roman intelligent et séduisant qui fait triompher le rire face aux incertitudes de la vie,  théâtre fragile qui ne tient qu'à un fil.

J'ai adoré : La vibrionnante érudition de l'auteur, l'humour et le style envoûtant de son récit, on est sous le charme du début à la fin. A lire absolument.

La secrète mélancolie des marionnettes, Denis Grozdanovitch, L'Olivier. 336 p 20 €. En vente sur mon blog.

     

OUI..., Murielle Renault, Le Dilettante.

Jubilatoire !

Elle est exaltée et explosive, il est silencieux et doux, ils s'aiment, elle le demande en mariage , il ne dit ni oui ni non. Vieille rengaine ? Non, non. Juliette et Benjamin collent à notre époque, jeunes, libres, décontractés, ils vivent leur vie amoureuse sans contrainte ni exclusivité. Pourquoi parler mariage alors ? Parce qu'il semble soudain à Juliette que ce soit la seule preuve d'amour absolu. Cette décision inopinée va déclencher un tsunami chez les proches de Juliette et ceux de Benjamin : mères, pères, beau-père, belle-mère, frère, amis, rivale, ex.. tout le monde va être déstabilisé par l'évènement annoncé. Celui-ci sera remis en question à de nombreuses reprises au rythme des crises, doutes et tensions qu'il provoquera. Juliette et Benjamin vont-il finir par se marier ?  Epatant roman d'amour, pas à l'eau de rose du tout mais au contraire super bien épicé. Le ton vif, les dialogues mordants et la justesse des profils psychologiques séduisent totalement. Les chapîtres brefs, très bien rythmés, s'enchaînent vite et créent un excellent suspense. On est emporté par la belle écriture simple, ponctuée de savoureuses pointes d'humour. On ne peut s'empêcher de réfléchir sur nos choix amoureux, la vie à deux, le temps qui passe et l'amour qui ne demande qu'à être réinventer. Excellent roman drôle et intelligent. Tout ce que l'on aime pour bien débuter l'année.

J'ai adoré : Le personnage de Juliette qui n'est pas à une contradiction près. Le portrait de la famille éclatée très contemporaine avec ses pièces rapportées qui comprennent même les ex. Quelle drôle d'attelage pour vivre heureux à deux...   

OUI..., Murielle Renault, Le Dilettante. 286 p 20 € en vente sur mon blog.