Adapté du troublant roman de Lionel Shriver, un film glaçant qui interroge sur les relations mère-enfant. Est-ce qu'une mère peut ne pas aimer son enfant ? Le roman est plus subtil que le film et la tension psychologique y est plus forte. Si le film illustre bien le questionnement terrible sur la culpabilité de la mère, il ne fait pas dans la dentelle : la couleur rouge revient sans cesse à l'écran, celle du sang, des tomates, de la confiture de fraise et celle de la peinture qu'Eva essaie de nettoyer. Eva raconte. Elle a mis au monde un enfant qu'elle ne désirait pas, elle a du abandonner son métier et New-York pour une banlieue chic et sinistre. Sa grossesse est un naufrage. Elle n'arrive pas à éprouver la tendresse dont son mari entoure leur enfant. Kevin va grandir dans ce rejet et nourrir un désir de vengeance haineux. Cet enfant sournois, d'une intelligence perverse et d'une méchanceté naturelle rend perplexe. Eva est impuissante face aux humiliations, provocations et intimidations de ce gamin aux allures de psychopate. Le manque de communication, les non dits accumulés au fil des années et l'absence d'autorité d'Eva vont fatalement s'exprimer un jour dans une violence inouïe. Kevin a seize ans quand il commet l'irréparable, pour briser sa mère. Eva culpabilise de plus belle. Elle analyse avec une froideur impressionnante sa relation avec Kevin. Elle cherche à comprendre ce qui aurait pu éviter le drame. Elle est tour à tour témoin, suspecte, bourreau, victime. Toutes ces phases sont implacablement analysées dans le roman et permettent de réfléchir avec Eva. L'auteur ne prend pas partie alors que le film tranche nettement et accable la mère : Les comportements de Kevin depuis l'enfance sont horribles mais le monstre est-il bien celui que l'on croit ?
J'ai adoré : Le casting remarquable. La froideur de Tilda Swinton colle bien au personnage d'Eva, glacial et désemparé. Les sourires sardoniques de Kevin sont merveilleusement angoissants. L'esthétique quasi clinique du film fait froid dans le dos. Le roman toutefois va plus loin et plus en profondeur dans l'analyse psychologique.
Il faut qu'on parle de Kevin, Lionel Shriver. Traduit de l'anglais (américain) par Françoise Cartano. J'ai Lu Poche, 8,40€ ou 22 € Belfond 2003.
Lionel Shriver, comme son prénom ne l'indique pas, est une femme. Journaliste et écrivain, elle a publié neuf romans dont trois traduits en français (Belfond).