Histoire poignante, mais pas triste, d'une vieille dame très digne. Lilly Bere a quatre-vingts neuf ans et une vie pleine derrière elle. A présent seule, et parce qu'elle estime en avoir assez vu, elle envisage de se suicider. Avec sourire, elle se souvient de ses amours, des hommes de sa vie. Elle raconte son père, solide et courageux policier dans une Irlande déchirée. Son frère adoré mort à la guerre de 40. Tadg, qui allait devenir son mari après leur fuite précipité vers le Nouveau Monde. Joe, son second mari au comportement si étrange. Ed, son fils chéri, Monsieur Nolan son ami, et puis Bill disparu tragiquement. Le roman égraine les chapitres en comptant les jours de Lilly sans Bill. Ces pages disent aussi cette époque pleine de guerres, de haines raciales, de misère, de petites et grandes peurs. Lilly traverse toutes ces saisons le coeur en écharpe et elle finit par plus vouloir le sentir battre au rythme des drames du monde... Il y a beaucoup de tendresse et de douceur dans ce récit, beaucoup d'élégance et de charme dans cette vieille dame fanée qui ne se plaint jamais. Elle accepte son destin avec une lumineuse sérénité, sans rien regretter mais avec le désir simple de descendre en marche. Il n'y a rien de morose ici, au contraire. L'écriture est sublime de délicatesse et légèreté. En refermant le livre on comprend totalement Lilly mais on aimerait la retenir encore un peu pour lui dire combien on l'aime.
J'ai adoré : le magnifique personnage de Lilly, le ton énigmatique et l'ambiance feutrée, cette façon intelligente et sensible d'aborder le sujet de la fin de vie des personnes âgées, très belle argumentation pour alimenter le débat actuel sur l'euthanasie.
Du côté de Canaan, Sebastian Barry, Joëlle Losfeld. Traduit de l'anglais (Irlande) par Florence Lévy-Paoloni. 276 p 19,50€. En vente sur mon blog via Amazon.fr
Sebastian Barry est Irlandais. Il a publié trois autres romans, Dunne (2005), Un long chemin (2006) et Le testament caché (2009) tous parus chez Joëlle Losfeld.