Le charme absolu de la vieille aristocratie anglaise. Nous sommes en 1930 et la riche famille Bird va se réunir au grand complet dans leur magnifique manoir niché dans la campagne irlandaise. Ils fêtent le retour du fils aîné, John, après un séjour en maison de repos pour dépression. Lady Olivia, la belle et futile maîtresse des lieux, s'en réjouit comme une gamine la vieille de Noël. Son inséparable et très chic amie Eliza l'aide à organiser l'évènement. La gouvernante du petit dernier, Miss Parker, fait ce qu'elle peut pour trouver sa place dans ce milieu qui n'est pas le sien. Le père, réservé, se retire dans sa bibliothèque pendant que sa fille, Sheama, ne se préoccupe que de ses robes et de ses amours naissantes. Les domestiques chuchotent dans les coins. A travers le regard d'Eliza tout ce petit monde va nous livrer ses secrets, ses trahisons et ses chagrins dans un huit clos aigre-doux où mensonges et jalousies pourrissent tout. Il se dégage de ces belles pages à l'écriture élégante, une tristesse sourde. De cette famille privilégiée à la beauté triomphante émane une insatisfaction étrange, douloureuse. Molly Keane excelle dans le portrait de personnages saisissants d'humanité. Elle décrit la campagne irlandaise avec une sensibilité et une poésie rares. La beauté de la nature environnante fait écho à la flamboyante plastique de la famille Bird. La solitaire et laide Miss Parker tranche dans ce décor idyllique mais c'est pourtant elle qui va vivre une aventure étonnante et lumineuse. Délicieux et grinçant drame familial sur fond de féroces rapports de classe.
J'ai adoré : la peinture de cette société évanouie qui n'en finit pas de fasciner avec ses manières élégantes et cruelles, le touchant personnage de Miss Parker et celui de Lady Olivia un peu sotte et si belle.
Fragiles serments, Molly Keane, Quai Voltaire. Traduit de l'anglais (Irlande) par Cécile Arnaud. 286 p 21 €. En vente sur mon blog via Amazon.fr
Molly Keane (1904-1996) était une aristocrate irlandaise, fine observatrice, douée pour exprimer les tensions et passions de la belle société dans laquelle elle évoluait. Elle écrivit huit romans et fut acclamée par la critique internationale à sa mort. Il faut lire également Un beau mariage (La Table Ronde 1996).