lillyinthevallee

Famille modèle, Eric Puchner, Albin Michel.

En fait de famille modèle il s'agit plutôt d'une famille cauchemardesque. Les Ziller avaient tout pour être heureux dans leur Wisconsin : mariage d'amour, trois beaux ados, une belle maison, une vie aisée et de belles économies. Mais voilà, Monsieur décide que cela ne lui suffit pas. Dans la série toujours-plus-d'argent, il embarque sa petite famille dans un vaste projet immobilier californien qui doit lui apporter fortune et gloire. Mais catastrophe, un grain de sable de taille va enrayer la machine et dévorer toutes les économies des Ziller. La famille va vivre au dessus de ses moyens et puis sombrer sans même pouvoir sauver les meubles. Page après page, nous assistons à la descente aux enfers de cette famille idéale et à la destruction de sa belle image. Tragi-comédie cinglante qui dénonce le fameux rêve américain où le bonheur se résume aux avoirs en banque. L'auteur aborde également, avec cynisme mais efficacité, les relations familiales factices qui ne peuvent survivre dès que l'argent manque. Chaque membre de cette famille vit sa vie dans son coin de solitude, la communication entre eux n'existe pas. La fissure provoquée par le mauvais choix du père va faire éclater leur bonheur apparent et fragile. D'une écriture saisissante et d'une construction stressante, ce roman fait sourire et inquiète à la fois. Heureusement qu'il y a de l'humour et des situations loufoques pour respirer un peu. Cette famille là ne fait vraiment pas envie. On le sait, nous, que l'argent ne fait pas le bonheur mais visiblement les américains rêvent encore....

J'ai adoré : le personnage de la mère bobo écolo gentiment nunuche dont ses trois gosses se moquent parfois méchamment et puis le chien, excellent Mister Léonard, qui tient un rôle de choix.

Famille modèle, Eric Puchner, Albin Michel. Traduit de l'anglais (américain) par France Camus Pichon. 523 p 24€. En vente sur mon blog.

Eric Puchner est professeur de littérature à l'université, Famille modèle est son premier roman. Son recueil de nouvelles La musique des autres a connu un gros succès aux Etats-unis.  

 

     

Le rêve de la Montagne d'Or, Ling Zhang, Belfond.

Saga belle, palpitante et douloureuse. Fang Defa a quatorze ans lorsqu'il quitte sa chine natale en 1877 et s'embarque pour le nouvel Eldorado : la Colombie Britannique. Nous sommes à la fin du 19è siècle et les premiers "coolies" débarquent à Victoria et à Vancouver. Des cargos remplis d'hommes venus chercher le travail que leur pays ne leur donne plus. Cette terre nouvelle, ils la surnomment La Montagne d'Or, certains en reviennent les poches pleines, d'autres jamais. Dès leur arrivée ils sont utilisés pour construire le fameux chemin de fer canadien, le "Canadian pacific". Des esclaves mal nourris, mal traités et mal payés. Une fois le chemin de fer terminé, les chinois ne seront plus désirés sur le territoire et une lourde taxe sera exigée pour leur entrée. Ce qui ne freinera pas le flot des émigrants. Ils seront alors purement et simplement interdits jusqu'en 1949. Comment Fang Defa et les siens vont survivre dans ce monde hostile ? Qu'en sera-t-il du rêve de fortune transmis de génération en génération ? Fresque romanesque passionnante. L'auteur donne beaucoup d'informations sur cette période historique canadienne que je ne connaissais pas. Sur cinq générations d'une même famille nous suivons la vie quotidienne de ces chinois, un peu naïfs, émigrés au Canada et également celle de leurs proches restés en Chine du sud, là où les femmes attendent nouvelles, retours et argent. Une vie tissée d'espoirs, d'absences et de larmes. Un récit minutieux, formidable dans les moindres détails des us et coutumes des paysans chinois. La petite histoire en marge de la grande. Beaucoup de rembondissements, de péripéties et de tourments. Un voyage captivant dans des temps pas si lointains et pourtant tellement archaïques. A lire absolument.

J'ai adoré : Tous les personnages émouvants de cette famille, le sens de l'honneur des hommes, le courage modeste des femmes et puis Emmy, la dernière génération, une américaine cultivée en quête de ses racines.

Le rêve de la Montagne d'Or, Ling Zhang, Belfond. Traduit du chinois par Claude Payen. 588 p 22 € . En vente sur mon blog. 

Ling Zhang vit à Toronto depuis 1986 mais elle est née en Chine à Hangzhou en 1957. Elle a publié quatre romans et quatre recueils de nouvelles. Elle a reçu de nombreux prix littéraires en Chine. Le Rêve de la Montagne d'Or est son premier roman à paraître en français. 

Le Turquetto, Metin Arditi, Actes Sud.

Savez-vous que le célèbre tableau l'homme au gant attribué au Titien, et qui siège au Louvre, n'a pas été peint par Le Titien ? Des experts suisses se sont penchés récemment sur une légère anomalie présente dans la signature. Ils sont formels : le "T" a été peint en premier et la suite par une autre main. Par ailleurs, le vernis qui recouvre la toile est fait de deux résines connues dans la peinture du XVIè siècle mais aussi d'encens, du jamais vu dans un vernis. Il n'en fallait pas plus pour que l'auteur imagine une vie et un destin tragique à ce mystérieux "T". Metin Arditi, brosse le portrait d'un personnage d'autant plus fabuleux qu'il n'a laissé aucune trace de son passage sur terre. A-t-il existé ou pas ? Ce roman nous raconte ce qui pourrait être son histoire. Elie, un enfant ultra doué pour le dessin, serait né vers 1516 dans les bas fonds de Constantinople. Il réussira à échapper à la misère en prenant la mer à bord d'un bâteau vénitien. Sous une fausse identité il se fera engagé dans les ateliers du Titien grâce à ses talents de portraitiste hors du commun. Après des années de travail, il dépassera le maître et deviendra le plus grand peintre de Venise, le plus honoré et adulé, sous le sobriquet de Turquetto. Mais le destin veille et Elie sera bientôt rattrapé par son passé et ses mensonges... Ce roman, à la belle écriture imagée et sensuelle, nous transporte dans un autre monde, celui de l'art sacré du XVIè siècle. Les descriptions de tableaux et de techniques de peinture sont un pur régal. L'inspiration permanente et l'avidité de création du jeune Turquetto font vibrer. Sa peinture réussit une synthèse des religions musulmane, juive et chrétienne. Ce sera sa marque de fabrique. La Venise de cette époque est décrite dans sa terrible réalité : puanteur, saleté, corruption, rivalités, assassinats. Idem pour le Grand Bazar de Constantinople, coloré, bouillonnant mais aussi crapuleux et pouilleux. Et pourtant le tout dégage un charme romanesque fou. Une immersion totale dans un siècle de génie, de beauté et d'horreur. Exhaltant.

J'ai adoré : l'ambiance trépidante, les intrigues Venitiennes et les luttes de pouvoir, la place des artistes dans la vie quotidienne et ce Turquetto anti-héros pas beau mais terriblement séduisant. 

Le Turquetto, Metin Arditi, Actes Sud. 282 p 19,50€. En vente sur mon blog. 

Metin Arditi, est né en Turquie et vit en Suisse. Il parle plusieurs langues dont le grec et l'italien. Il enseigne à l'Ecole Polytechnique et préside l'Orchestre de la Suisse Romande. Il a publié six romans dont La Fille des Louganis (Actes Sud 2007) que j'adore.

Télématin mardi 8 novembre

Ce matin dans l'émission de William Leymergie et la chronique de Damien Thévenot, je vous ai parlé de trois romans de la rentrée que j'adore :

 

Skoda, Olivier Sillig, éditions Buchet-Chastel

La maison Matchaiev, Stanislas Wails, éditions Serge Safran

Flétrissure, Nele Neuhaus, éditions Actes Sud Noir

Retrouvez mes avis sur ces trois romans en un clic sur chaque titre.

Pour voir la video de l'émission : un clic ici

Votre avis m'intéresse !!! Merci. 

Le passager, Jean Christophe Grangé, Albin Michel.

Comme beaucoup, je refuse de lire les romans à gros succès, la cavalerie des best sellers, surtout lorsqu'ils sont français. Je suis convaincue qu'ils sont faciles, pas trop bien écrits,  pas passionnants. Pas très bons, quoi. Comme si un bon roman était d'abord un roman confidentiel. Idiot cet apriori. Un peu de curiosité !!! Utile pour savoir de quoi je parle et ce que je refuse. Alors voilà, j'ai décidé de faire un essai avec le nouveau très gros roman de Grangé. Jamais lu cet auteur à énorme succès avant...

...Et patatra, j'en suis devenue accro dès les premières pages. Ce n'est pas de la grande littérature ? Comment dit-on, alors, face à une écriture riche, un rythme narratif impressionnant, une construction époustouflante, des idées incroyables, des personnages crédibles et une maîtrise de la tension dramatique rarissime ? Je ne sais pas, moi je dis que c'est un sacré bon bouquin.  En plus du plaisir de lecture, j'ai appris plein de trucs sur la psychanalise, la mémoire, la mythologie grecque, les tableaux de Courbet, les daguérotypes,  je ne me suis pas ennuyée une seconde et mieux que ça : je me débrouillais pour retrouver le héros de Grangé dans la journée dès que je le pouvais. Ce qui ne m'arrive pas très souvent avec un roman français. Son personnage, qui prend différents visages (ou les perd plutôt), est très inquiétant et attachant, la fliquette qui enquête en parallèle aussi, les aventures qu'ils traversent tous les deux dans la violence et la démence donnent la chair de poule. Je ne vous raconte pas l'histoire car c'est impossible et ce serait dommage. Il faut vraiment lire ce gros pavé sans rien en savoir. La 4è de couverture est d'ailleurs très bien faite. Je suis d'accord, Jean-Christophe Grangé est LE maître du thriller français. Nous en avons un et il n'a rien à envier aux américains ni au nordiques. A lire absolument ! Moi je vais lire ses autres romans maintenant...

Le passager, Jean-Christophe Grangé, Albin Michel. 752 pages, 24,90€. En vente sur mon blog.

J'ai adoré : Tout, absolument tout, sauf la fin car l'histoire était finie...Sans être totalement terminée.

Jean-Christophe Grangé a une cinquantaine d'années, il vit à Paris, il est tout sauf une star donc on ne connait pas son visage. Avant d'être thriller man à succès il a  été journaliste-reporter. Ses romans sont souvent adaptés au cinéma sans connaître le même engouement que ses écrits. Comme quoi...

Aimé au ciné : Bonjour tristesse Otto Preminger

Une reprise qui vaut vraiment le déplacement!! Je n'avais jamais vu ce film d'Otto Preminger sorti en 1958. Il paraît que Sagan était présente sur toutes les scènes du film et qu'elle a tout supervisé de son oeil attentif de jeune auteur. Le roman est paru en 1956. Je l'ai relu juste après avoir vu ce film et, même si le décor est quelque peu dépassé, le tragique garde la même force. L'histoire raconte la vie d'une jeune fille riche et gâtée qui vit seule avec son père depuis la mort de sa mère. Son père est un noceur qui change de conquête féminine tous les soirs ou presque. Sa fille, paresseuse et capricieuse,  suit les même itinéraires nocturnes que lui : restaurants à la mode, bars chics et boîtes branchées, à Paris comme dans le midi. Le tout est très arrosé, extrêmement futile et assez provoquant. Et puis un drame survient dans l'été lumineux de la côte d'azur. Il fera entrer pour toujour la tristesse dans la vie de la jeune Cécile. Le film restitue à la perfection l'ambiance légère et pétillante de ces oisifs fortunés ultra choyés par la vie. Il met en scène une époque qui semble totalement révolue, quoique... Jean Seberg est magnifique dans le rôle de la jeune Cécile. Elle prête sa fragilité gracile à un personnage qui, sans elle, serait insupportable. Evidemment dans le roman il y a en plus cette écriture simple et directe, presque abrupte, qui donne un ton si original au récit. Le style Sagan. A faire découvrir aux plus jeunes. A voir absolument et à relire, forcément.

Bonjour tristesse, film d'Otto Preminger, 1958, à partir du 2 novembre, avec Jean Seberg, David Niven, Deborah Kerr, Mylène Demongeot. Filmothèque du Quartier Latin 9 rue Champollion Paris 5è,  Séance à 20h.

A noter ce soir : mardi 1er novembre séance spéciale à 20h avec Mylène Demongeot en débat à la fin de la projection.

Bonjour tristesse, Françoise Sagan, 1956,  160p 4,70€ Poche Pocket. En vente sur mon blog.