Indignons-nous!
Le roman débute sur un ton léger et rigolo. Deux frères et leurs épouses se retrouvent pour dîner dans un restaurant chic et branché d'Amsterdam. Paul, le narrateur, ne s'entend pas très bien avec son frère Serge, un homme politique en vogue. Le passage où le frère célèbre arrive dans le resto à la mode vaut le coup! Et puis le dîner se passe. Nous goûtons aux entrées, plats et desserts sous les commentaires exaspérés et drôles de Paul. La conversation roule sur tout et rien comme souvent en famille. Pourtant nous savons dès le début du dîner qu'il leur faut "parler des enfants". Michel et Rick ont seize ans, Beau, dix-huit. On imagine des problèmes de lycée, de sorties ou de scooter. Pas ce qui va nous tomber dessus. Le ton du roman n'est pas dans ce registre. Et c'est bien là toute sa force. D'un seul coup on passe à autre chose, on glisse dans un autre monde. La famille heureuse, c'était avant. Nous voici aussi démuni que ces parents face aux évènements. Mais le plus terrible ce n'est finalement pas ce qu'ont fait les gamins mais plutôt ce que les parents vont décider de faire. Jusqu'où peut-on aller pour protéger ses enfants ? Est-ce leur rendre service ? Ce roman soulève un problème de taille, celui de l'enfant roi dans notre société. L'enfant surpuissant qui ne connaît aucune limite, qui se croit des droits sur tout et partout. Il faut dire que cet enfant là est fabriqué par des parents, à l'image de ceux du roman, inconscients, démissionnaires, sans autorité. Ce sont ces parents là, de plus en plus nombreux hélas, qui fabriquent les petits montres que nous croisons un peu partout aujourd'hui et avec qui nous devons bosser en entreprise. Car ils grandissent ces chers petits et ils ne deviennent pas des anges. Ce roman ne va pas si loin, il nous laisse juste entrevoir l'avenir que ces parents ne veulent pas voir. L'absence totale de moralité, de dignité et de sens des responsabilités de ces parents choquent et fait se dresser les cheveux sur la tête. Le style vivant et les dialogues bien construits font dévorer ces pages. Mais il y a un truc simplement insupportable dans la fin. Bon OK , ce n'est qu'un roman....
J'ai adoré : le récit à deux vitesses, le début badin et mondain et puis la bascule dans le très grave . Le portrait psy des quatre parents, dans le genre grands gosses jamais adultes, est remarquable.
Le dîner, Herman Koch, Belfond. Traduit du néerlandais par Isabelle Rosselin. 336 p 18,50 €. En vente sur mon blog.
Herman Koch est une vedette en Hollande. Très populaire pour ses émissions de télé et ses chroniques satiriques dans la presse écrite. Le dîner, élu livre de l'année, a connu un énorme succès aux Pays-Bas et a été traduit dans 14 langues.