Délicieux !
Les vieilles dames indignes ont de beaux jours devant elles. Voici l'histoire d'une mamie ultra contemporaine : rigolote, maline et active. Veuve d'un prof d'université, elle se retrouve du jour au lendemain à devoir partager sa maison et son jardin avec sa belle-fille qui ne souhaite qu'une chose : s'en débarrasser au plus vite. La vielle dame ne lui donne pas ce plaisir, elle part d'elle-même, avec sa chienne Cora, se mettre au calme dans une maison de retraite plutôt chic, même si la directrice est une peste. Le regard de Madame le professeur, comme on l'appelle dans cette résidence, sur les pensionnaires, le personnel soignant et l'ambiance, est génial d'humour et de lucidité. Elle a droit aux hommages appuyés d'un élégant vieux monsieur qui ne la laisse pas indifférente mais c'est surtout avec le jeune Vova que la charmante vieille dame va se lier d'amitié. Elle le rencontre au jardin public mais tout le monde le connaît, il a tout d'un mauvais garçon et une sale réputation. Elle s'en fiche, elle aime son regard et sa gentillesse. Il lui apprend à utiliser l'ordinateur qu'elle a fauché au petit copain de sa belle fille en quittant sa belle maison. Il lui raconte également son enfance, ses origines russes, sa grand-mère Baboulia qui est resté dans un coin de Sibérie, là où paissent des vaches rouges. Elle est émue par cette jeune vie mal engagée et décide de réparer ce qu'elle peut. Mais un jour Vova disparaît sans crier gare. Mauvaise rencontre, coup qui a mal tourné ? Madame le professeur suit sa trace... Délicieux roman qui doit tout son charme au style narratif choisit par l'auteur. Nous lisons le journal de la vieille dame laissé sur son ordinateur. Ses observations, pensées et réflexions sur la vieillesse, la famille, la mort, l'avenir sont un pur régal. Quelle jolie façon de dire l'essentiel, l'air de rien, sans nous imposer un traité de philo. L'écriture est simple, joyeuse et vive. Les conditions de vie difficiles des russes émigrés en Allemagne sont abordées sans lourdeur mais sans détours. Il y a de la légèreté, de la tendresse, des rencontres, des rêves, des rires, des chagrins et beaucoup de vie dans ce récit de fin d'existence. A lire ! Excellent pour le moral de tous.
J'ai adoré : ce portrait de grand-mère tonique et tellement vivante, la façon dont elle s'ouvre sur le monde au lieu de s'enfermer dans sa retraite dorée, son enthousiasme et son bon sens font un bien fou. Jolie lecture.
Les vaches rouges ou un dernier amour, Dorothea Razumovsky, Buchet-Chastel. Traduit de l'allemand par Chantal Le Brun Keris. 180 p, 18 €. En vente sur mon blog à partir du 10 mars.