Tragicomique !
C'est l'histoire d'une poussette qui tue. Une jeune fille raconte. Elle suit les cours de l'école de puériculture où le bébé de la prof sert aux travaux pratiques. Un jour elle part le promener dans sa poussette, elle court parce qu'il se met à pleuvoir, les roues de la poussette se coincent dans la grille d'un caniveau, la poussette se cabre, le bébé part en vol plané et se fracasse le crâne au sol. La jeune fille ne sera pas puéricultrice, elle n'aura pas de bébé mais, à la suite de ce malheureux événement, une étrange fêlure naîtra et grandira en elle. Obsédée par le bonheur béat des jeunes mamans, des bébés roses et dodus et des landaus derniers cris, la jeune femme se marie et ne rêve que de devenir mère. Désespérée par sa stérilité elle va tenter l'insémination puis adoptera un poupon Newborn et finalement finira par enlever un bébé dans sa poussette. Ce récit original, sur un traumatisme non soigné, touche et dérange étrangement. Il y a de la poésie, de l'humour noir et des scènes délirantes. Il est écrit à la première personne sur un ton naïf, drôle et cruel. On perd nos repères à l'image de cette jeune femme fracassée. Belle et sensible manière d'aborder le douloureux problème de la stérilité féminine dans notre société ou l'enfant est roi et la mère élevée au rang de quasi divinité. Le style sobre et clair de l'auteur donne une force et une résonnance formidables à cette histoire grave aux allures de fable triste.
J'ai adoré : l'écriture superbe de retenue, l'humour bizarre qui met mal à l'aise, cette belle façon de parler de choses essentielles l'air de rien. On pense à Boris Vian.
La poussette, Dominique de Rivaz, Buchet-Chastel, 11 € 112 p. En vente sur mon blog.
Dominique de Rivaz est suisse et vit à Berne et Berlin. Cinéaste, scénariste, photographe, elle a publié deux romans dont Douchinka (éditions de l'Aire 2008) qui a obtenu le Prix Schiller Découverte.