Envoûtant !
Le génial Michelange a séjourné trois mois à Istambul, à l'âge de 30 ans en 1506, invité par le Sultan Bejazet pour concevoir un pont sur la Corne d'Or. Voilà pour le fait historique. A partir de là Mathias Enard nous raconte une superbe histoire. Celle de l'artiste aux prises avec l'inspiration, celle de l'homme religieux face aux affres du désir. Michelange cherche "la" bonne idée, celle qui enthousiasmera le sultan et qui, par ricochet, le couvrira d'or et de gloire. Léonard de Vinci a échoué dans cette mission quelques années auparavant. Michelange ne reste pas enfermé entre les quatre murs cossus offerts par le Sultan. Il s'enivre des couleurs d'Istambul, ville fabuleuse aux journées d'été chaudes et parfumées et aux nuits torrides. Son guide et confident n'est autre que le grand poète Mesihi que le Grand Vizir a mis à sa disposition. Au hasard de leurs pérégrinations nocturnes, des danses ennivrantes et des musiques lanscinantes, celui-ci tombe fou amoureux de Michelange, sans espoir de retour, quoique Michelange n'est pas insensible à ce trouble nouveau qui l'assaille et le tourmente. Mesihi lui dédie quelques belles rimes désepérées dont nous profitons avec joie et délectation... Ce roman se déguste comme une sucrerie délicate, avec un plaisir lent. L'écriture est d'une beauté exceptionnelle. Simple, musicale avec des élans de poésie enchanteurs. Pur bonheur. A lire absolument.
J'ai adoré : la force évocatrice de l'écriture, l'image du pont entre Orient et Occident si contemporaine, le passionnant processus de création d'une oeuvre qui ne verra jamais le jour mais qui modifie l'âme et le coeur de l'artiste à jamais.
Le beau titre de ce roman est emprunté à Rudyard Kipling : " Puisque ce sont des enfants, parle-leur de batailles et de rois, de chevaux, de diables, d'éléphants et d'anges mais n'omets pas de leur parler d'amour et de choses semblables".
Parle-leur de batailles, de rois et d'éléphants, Mathias Enard, Actes Sud. 154 p 17 €.
En vente sur mon blog : http://www.leslivresquejaime.net/
Mathias Enard a reçu pour son précédent roman Zone (bouquin qui m'est tombé des mains dès les premières pages) le Prix Décembre 2008 et le Prix du Livre Inter 2009.