Virtuose !
Martijn raconte, avec émotion et un sens de l'analyse aigu, le talent dévastateur de sa fille Léa. Sa passion violente pour le violon dès l'âge de huit ans révélée en écoutant une partita de Bach. L'urgence de prendre des cours, la recherche étrange d'un professeur adéquat, le travail acharné pendant des années, l'exigence quotidienne, le succès fulgurant, le génie fragile, la spirale fatale des sommets qui conduira à la tragédie. Le ton du récit alterne admiration, regrets et questionnement. Le père, très fier du don de sa fille, ne s'est jamais senti à la hauteur de son talent. Il le déplore et s'interroge. Aurait-il pu faire autrement ? La conseiller mieux ? Est-ce que Léa aurait pu être une petite fille comme les autres si elle n'avait pas entendu ce morceau de violon ? Lors d'un voyage dans le midi de la France Martijn rencontre dans un café un habitant de Berne, comme lui. Ils sympathisent et Martijn décide de lui raconter la vie de Léa, sa fascination pour le violon, ses tourments intérieurs et son désir à lui de tout lui donner, de s'effacer, quitte à se mettre en danger.
Roman dévorant. La folie douloureuse d'un père. L'auteur dissèque les méandres du coeur de Martijn, accablé, qui ne comprend pas ce qui lui est arrivé, ni comment les événements se sont enchaînés, l'ont dépassés. Sa culpabilité est palpable. Récit émouvant, réflexion philosophique édifiante, écriture fluide, superbe de précision et retenue.
J'ai adoré : Ce père dévoué à l'extrème, sa façon folle et dangereuse d'exister à travers sa fille, la tension du récit, le drame que l'on sent inévitable mais que l'on espère éviter. La construction du roman qui donne la parole au père face à un auditeur qui compatit, s'interroge et projète les faits dans sa propre vie. Et si une telle histoire nous arrivait ?
Traduit de l'allemand par Carole Nasser. Traduction revue par l'auteur.
Léa, Pascal Mercier, Libella Maren Sell, 244 p, 18 € en vente sur ce blog (colonne de droite).