Une fable drôle et cruelle qui m'a interpellée :
Parce qu'il s'ennuie dans la grande ville et pour fuir un chagrin d'amour, le postier Passila se fait muter dans un petit village perdu dans les flancs du volcan Tipec. Il débarque à Ludovia un matin et comprend illico que sous des dehors somnolents, la vie dans ce village ne va pas être de tout repos. L'hostilité des villageois lui saute à la gorge et bientôt des menaces plus précises vont lui faire regretter d'être venu. Même le Maire lui confie ne pas se sentir en sécurité, le médecin non plus... Qui est contre qui ? Que fait-il au milieu de ces sombres histoires de clocher ? Face au danger, qu'il sent mais ne comprend pas, le postier affiche une inaltérable résistance, il fait son simple travail de postier. Va-t-il enfin être se plier aux règles locales et être conforme à ce que l'on attend de lui ?
Fable subtile pour aborder le délicat sujet de l'intégration d'un étranger dans un groupe constitué comme ce petit village ensoleillé aux allures inoffensives. Alain Beaulieu conte à la perfection le mensonge, la tromperie, les rivalités. Il souligne à merveille comment un nouveau venu joue le rôle de catalyseur, mettant tout le monde soudain d'accord contre l'intrus. Belle démonstration de la bêtise banale et cruelle au quotidien...
J'ai adoré les personnages rocambolesques de ce roman : le facteur naïf, le policier verreux, le chauffeur de taxi pervers, le Maire faux cul, l'aubergiste revêche, l'étrange docteur, la belle menteuse Estrella... Aucun ne souhaite voir un "étranger" s'installer sur son petit territoire et troubler l'organisation de son petit monde. Efficace et édifiant, ce roman se transpose à la vie d'entreprise, où de la même façon, les supposées victimes peuvent s'avèrer d'incroyables bourreaux.
Alain Beaulieu est Québécois, ce roman est son premier roman paru en France.
Le postier Passila, Alain Beaulieu, Actes Sud, 186 p, 18 €