A l'occasion des dix ans de la mort de Frédéric Dard, allias le salace San Antonio, une avalanche de publications, hommages et rééditions vont déferler en librairie. Le plus franchouillard, macho et vulgaire de nos auteurs se voit soudain béatifier par la postérité. Comme si la mort donnait talent et élégance ! La Sorbonne a même accueilli récemment un colloque sur le thème "San-Antonio et la culture française". On rêve !... Tout cela ferait juste sourire (ou grincer des dents) si sa fille, Joséphine Dard, ne se mettait pas à nous pondre ses mémoires de "fille de" avec en point d'orgue son kidnapping de petite fille riche. Chic ça, hein aussi ? En quoi ce déballage mélo et opportuniste nous intéresse ? Et le gendre, Guy Carlier, chroniqueur audiovisuel et mondain, ne reste pas sur le quai : dans le pourtant très littéraire magazine Lire de ce mois-ci, il écrase sur une page entière une larme sans intérêt, sans pudeur, ni retenue pour son "vrai papa". Sanglot qui resterait en famille et muet, s'il était sincère. Que Frédéric Dard soit un phénomène du marché de l'édition, soit. Il y en a d'autres qui deviennent riches avec des pages pauvres, tant mieux pour eux et pour les libraires, mais de là à en faire des incontournables de notre littérature, il y a un fossé grand comme l'Atlantique que j'espère vous ne sauterez pas à la légère... Au risque de prendre un sacré bouillon. Je déteste l'idée que ces histoires, plus ordurières que grivoises, soient citées comme "témoin d'une époque". Quelle angoisse. Son seul roman supportable est à voir au ciné "La vieille qui marchait dans la mer" de Laurent Heynemann, rendu franchement cocasse par l'interprétation de Jeanne Moreau et celle de Michel Serrault. Point final.