Waouh! Une excellente surprise !
Rares sont les recueils de Nouvelles possédant la maîtrise de celui-ci et il s'agit d'un premier livre :Treize histoires courtes qui en disent long sur le chaos quotidien aujourd'hui à Mugabe, au Zimbabwe. Sur fond d'inflation délirante, d'électricité défaillante et de manque cruel d'argent, l'auteur fait vivre des personnages attachants en quête, comme tout le monde, de vie meilleure, d'amour et de bonheur. Il y a des histoires cruelles et drôles comme "la bonne de Lalapanzi" une jeune fille naïve qui quitte tout pour rejoindre son amoureux, déjà marié ailleurs et fort encombré de sa venue. Ou "un joli souvenir de Londres", un jeune garçon, parti plein de fougue faire fortune à Londres, et qui revient au pays, dans une urne. Et aussi le portrait d'un escroc plein d'humour cynique "notre homme à Genève gagne un million d'euros" Et cette veuve tranquille qui assiste à l'enterrement de son influent et infidèle mari, sachant seule que le cercueil est vide ... Ecrites dans une langue forte, sensible et colorée, toutes ces histoires touchent en plein coeur. Elles nous font découvrir un pays aux traditions peu connues, au régime politique redoutable de bêtise et des gens plein de charme, déchirés entre leur terre et les sirènes de l'occident.
J'ai adoré le rythme vif de ces récits, la belle écriture percutante, les personnages drôles même dans le désespoir et si émouvants dans les situations les plus ironiques. Tous les titres des Nouvelles sont formidables d'humour décalé. Quel talent ! Une réussite totale.
Les racines déchiréees, Petina Gappah, Plon, 240 p 20 €
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Le génial polar du mois
: Il m'a empêché de dormir un samedi soir, je l'ai lu d'un trait et terminé le dimanche ! C'est captivant et oppressant mais la fin apaise tout... Enfin, presque :Jeune journaliste menacée et jalousée dans son job, Ellen rentre un soir dans sa coquette maison de Philadelphie, épuisée de stress. Un prospectus perdu au milieu de son courrier lui procure une décharge d'adrénaline supplémentaire. Devant ses yeux incrédules apparait le portrait de Will, le petit garçon de trois ans, qu'elle a adopté en toute légalité, il y a deux ans. Pourrait-il être ce bébé volé en Floride ? La journaliste ne peut pas faire l'impasse sur la recherche de la vérité, la mère non plus. Ellen commence une enquête serrée, au risque de perdre son boulot, elle se frotte au milieu des trafics les plus sordides. Sous le prétexte du polar le plus tendu, l'auteur aborde un sujet délicat, l'adoption de bébés dont l'origine demeure opaque. Tout est demandé à l'adoptant alors que l'abandon d'enfant se fait dans le secret le plus total. Phénomène de société abordé efficacement.
J'aime quand les romans nous apprennent des choses méconnues comme ici, sur l'adoption et ses dérives. J'ai adoré la montée en puissance de l'histoire, l'angoisse croissante, je me suis sentie totalement en empathie avec Ellen. Les rebondissements permanents donnent envie de tourner la page suivante pour en savoir plus. Impossible de quitter ce bouquin. Extra.
Intime ressemblance, Lisa Scottoline, Toucan Noir, 560 p 22 €
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Ce tout petit roman a la force des grands ! J'ai lu d'un jet cette brève histoire, une longue Nouvelle ? Je ne sais pas comment cela se nomme mais c'est excellent :
Dans l'une de ces tours infernales que nous connaissons que trop bien, le bureau de Marc, DRH en disgrâce suite à une fusion, a été vidé de tout son mobilier. Il le découvre un matin, totalement vide, même la porte (fameux symbole de pouvoir) a été virée. Il ne reste que la moquette sur laquelle Marc s'empresse de camper. Car pas question de partir même si le message est clair. Marc entre en résistance. Pas facile de ne rien faire quand les collègues s'agitent autour de soi. Après l'indifférence puis l'embarras, l'hostilité s'installe. Pourquoi ne veut-il par partir ? Marc est gênant mais pas gêné. Il dégote une vielle chaise et s'installe à califourchon "au balcon" pour observer ce qui hier était son univers professionnel. Il prend enfin son temps, ou le perd ? C'est selon... La fin est délicieuse...
J'ai adoré le personnage de Marc fort, positif, serein. Quel culot, quel humour. Une belle leçon de vraie résistance. Régal à offrir à tous ceux qui souffrent au boulot (et il y en a tellement !!!!), c'est un excellent guide de survie en milieu hostile.
Le bureau vide, Franck de Bondt, Buchet-Chastel, 128 p, 13,50 €
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J'ai découvert un premier roman saisissant de sublime lucidité, une plongée dans la vie quotidienne de ces gens ordinaires, étrangers aux grands idéaux, broyés par la folie des foules embrigadées. Roman puissant, à lire absolument :Le 19 mars 1979, la petite ville perdue dans la campagne chinoise se prépare à un événement : la mise à mort d'une jeune femme, Gu Shan, ancienne garde rouge en opposition soudaine avec le parti post Mao. Cette sinistre journée est vécue différemment par ses parents, le sensible professeur Gu et sa femme hargarde de douleur, ses voisins curieux et peureux, son amie journaliste en colère, la jeune Nini insouciante, la grave Madame Hua, l'étrange Bashi, etc. Chronique de vies simples et perdues, déboussolées par l'idéologie marxiste et ses débordements successifs.
J'ai adoré le mélange de vieilles croyances de la Chine ancestrale avec les diktats du marxisme les plus féroces, la psychologie subtile des personnages. J'ai été épatée par la belle plume cruelle et forte de l'auteur, le pouvoir émotionnel qu'elle dégage. Ce premier roman est une merveilleuse surprise de printemps qui m'a laissée totalement KO mais ravie.
Un beau jour de printemps, Yiyun Li, Belfond, 456 p, 21,50 €
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Pour sourire et grincer des dents, pour réfléchir à nous, aux autres, j'ai adoré ce roman américain pétillant d'intelligence. A lire et à offrir sans hésiter :
Tassie a vingt ans et quitte son Midwest natal pour poursuivre ses études à la fac en ville. Tout l'émerveille : le campus, les cinémas, les restaurants chinois, les copines... Pour se faire de l'argent de poche, elle répond à une annonce de babby sitting. Elle tombe sous le charme de Sarah et Edouard, couple fantasque et riche, en mal d'enfant. Sarah l'emmène d'un coup d'avion récupérer Mary-Emma, la petite fille de deux ans métisse que le couple vient d'adopter. Les journées de Tassie débordent de travail, de tendresse pour Mary-Emma, de rires, d'étonnement et d'émotions. Elle tombe amoureuse pour la première fois sur fond de déclaration de guerre à l'Afghanistan puis soudain, plus rien ne va comme Tassie le croyait, le voyait... Ce roman parle de la fragilité des images, du paraître, des faux semblants. Il ridiculise le trop séduisant mirroir aux allouettes, le mensonge des apparences de bonheur, voile trompeur souvent séducteur dont personne ne se méfie assez, car tout le monde veut tellement y croire.
J'ai adoré le mélange de tragique et de cocasse, l'histoire et les personnages ancrés dans notre époque, le style vif et enjoué, les dialogues très naturels, percutants, d'un humour incisif. Quelle belle vivacité d'esprit, de ton et de style ! Un petit bijou à ne pas louper.
La Passerelle , Lorrie Moore, 362 p22 € éditions de l'Olivier.
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Nouveau genre : le cahier dessiné. Après le roman graphique, voici un nouveau type de recueil de dessins. Cela ressemble furieusement aux albums d'humour ravageur de Sempé ou Voutch avec un petit truc qui fait actuel :
Micaël croque le Paris des heureux de ce côté du monde, ses terrasses branchées, ses cocktails mondains, ses milieux littéraires, mais aussi des instants anonymes plus intimes. Plume féroce et sans concession pour l'écriture qui se résume en légendes bien senties. Trait élégant et expressif pour le dessin et les couleurs. Un joli regard et un témoignage intéressant sur notre époque et ses bizarreries. A s'offrir sans hésiter, plaisir égoïste absolu.
J'ai adoré l'humour "vache" et drôle, le trait original, l'univers personnel, la beauté du papier dessin du livre très agréable à toucher ainsi que le format entre roman et album, et puis l'idée que le dessin d'humour se perpétue ainsi avec un tel talent.
Un argentin à Paris, Micaël, Buchet-Chastel, 160 p, 19 €
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Après la folie des vampires, les anges vont séduire juniors et jeunes ados. J'avoue être tombée sous le charme de ce nouveau roman, me voici "aux anges". A lire absolument avant de l'offrir aux ados ! Parution d'un tome par an, saga des anges à suivre donc :
La sage et jolie Nora a seize ans.Fragilisée par la récente et violente mort de son père, elle partage ses journées tranquillement entre le lycée et les sorties avec sa meilleure amie, la très délurée Vee. En cours de biologie, son binome est un nouveau venu, un garçon beau et mystérieux qui met immédiatement Nora mal à l'aise. Attirance, répulsion... Les prémices du coup de foudre mais, jeune et naïve, Nora ne le sait pas. Elle a peur du troublant Patch. Comment fait-il pour deviner la moindre de ses pensées ? Pourquoi se trouve-t-il toujours sur son chemin ? D'où vient cette certitude d'être épiée, menacée ? Sans le savoir, Nora se trouve prise dans la bataille millénaire que se livrent les anges déchus aux ailes brisés, chassés du Paradis pour avoir voulus venir faire un tour chez les humains, et les néphilims, ces être bâtards nés d'un ange et d'un humain, qui rêvent de reconquérir leurs ailes et donc le Paradis. Le danger est réel, Nora est trop seule chez elle le soir. Comment va-t-elle s'en sortir ? Palpitant. Excellent thriller servi par une écriture tendue, riche et sensuelle.J'ai adoré l'étrange et forte intrigue autour des anges, les références à la Bible avec des citations (si cela pouvait donner aux plus jeunes l'envie de la lire !), l'ambiance poisseuse et sombre des brouillards de Portland et la profonde amitié qui lie Nora et Vee. Un message pour les mères qui travaillent très tard le soir et sortent trop souvent le week-end : ne laissez pas vos ados seules à la maison, le danger n'est pas là où l'on croit. Les anges gardiens peuvent prendre des allures d'anges exterminateurs. Mais je n'en dis pas plus, "Hush" signifie "Chut"... Lisez !
Hush, Hush, Becca Fitzpatrick, MSK Le Masque, 352 p 17 €.
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