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L'Arpenteur, Marie Rouanet, Albin Michel

Mon roman français préféré dans cette rentrée littéraire de janvier. Une lumineuse ode à la terre, aux hommes qui y vivent, l'aiment et la préservent. Emile est un homme de la campagne, il a passé une enfance heureuse à Bourg-en-Rouergue au milieu des champs et des bois. L'heure de la retraite venue, il décide de s'y installer dans une jubilation enfantine contagieuse. Seul et heureux dans son silence peuplé des échos de la nature et du bruit des saisons il reçoit, un soir de sombre pluie, la visite d'un étrange personnage très laid et bourru qui cherche un abri. Il apprend plus tard par les gens du village qu'il s'agit du nouveau notaire, un homme mystérieux au comportement étrange. Il sillonne la campagne par tous les temps avec un plaisir évident, prend des mesures, repères des vieilles bergeries, déniche de vieilles pierres. Qui est-il vraiment ? Et que cherche-t-il ? Intrigué, Emile va s'attacher à cet arpenteur d'un autre temps. Ce récit à l'écriture magnifique, sobre et poétique, possède une puissance évocatrice rarissime.  Superbe sensualité qui restitue à la perfection l'odeur des sentiers et de la terre mouillée, la beauté crue des jours de neige, le bruit sourd des pluies d'orage. Ce roman raconte une époque qui s'enfuit, celle d'un monde rural qui s'efface, de rites ancestraux presque oubliés. Si comme moi vous vomissez les citadins qui retapent les vieilles fermes authentiques de nos campagnes pour les transformer en hideux pavillons de banlieue, lisez ce roman. Il nous donne cent mille fois raison. Marie Rouanet ici, comme dans tous ses romans, témoigne à merveille de la perte de ces repères anciens essentiels, de ces rituels paysans en voie de disparition. Une nostalgie belle et salvatrice.

J'ai adoré : la beauté émouvante de l'écriture et son sens du détail, le rythme lent des saisons et les traces du temps sur les pierres. Marie Rouanet est ce que les américains appellent un "nature writer" et elle n'a rien à leur envier. 

L'arpenteur, Marie Rouanet, Albin Michel. 182 p 15€. En vente sur mon blog.

Marie Rouanet vit dans le sud du Rouergue. Sa passion pour cette région transparaît dans chacun de ses romans. J'ai adoré également Paroles de gourmandises (Albin Michel 1998).        

 

Le sillage de l'oubli, Bruce Machart, Gallmeister.

Fresque familiale rude et douloureuse dans le Texas des années 70. Kerel est le dernier des quatre fils de Karl, celui qui a tué sa mère en venant au monde. Son père le regardera toujours ainsi et ne lui pardonnera pas. Sa colère permanente lui fera brutaliser ses quatres garçons en leur enseignant une vie austère et laborieuse. Le seul bonheur de Kerel sera les chevaux de course qu'ils élèvent. Un jour, un étrange et riche mexicain débarque avec ses trois filles à marier, leurs belles dots et de très beaux chevaux. Le méxicain propose un pari étrange que le père de Karel accepte : une course entre deux de leurs chevaux, l'un monté par sa fille et l'autre par Karel. L'enjeu est le mariage de ses trois filles. Kerel, un as de la course, est totalement subjugé par la sensuelle jeune fille et ses performances habituelles d'excellent cavalier s'en ressentent. Quelque soit le dénouement, Kerel sait qu'il a rencontré la femme de ses rêves mais son père n'aime pas perdre... Exhaltant roman à l'écriture envoûtante et au rythme infernal. Le portrait de cette famille, ancrée dans le deuil et le manque, bouleverse totalement. Le ton, parfois lyrique, ne manque ni de poésie et de sensualité. L'ambiance rugeuse et arride des terres comme des âmes serre le coeur et communique un malaise qui dure encore après la lecture du roman. Magnifiques passages sur la nature et l'harmonie entre les hommes et les chevaux. Un très grand roman de l'ouest américain.

J'ai adoré : la relation amoureuse forte et sensuelle, le rythme fou du roman que je n'ai pas pu lâcher, l'émotion intense provoquée par la très belle écriture.

Le sillage de l'oubli, Bruce Machart, Gallmeister. Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Marc Amfreville. 344 p, 23,60€. En vente sur mon blog. 

Bruce Machart est né au Texas et il enseigne la littérature à Houston. Ce livre est son premier roman. Aux Etats-Unis on compare son style à celui de Cormac McCarthy et Faulkner.       

De bons voisins, Ryan David Jahn, Actes Sud.

Vertigineux!!! Une histoire d'indifférence et d'égoïsme qui se déroule dans les années 60 aux Etats-Unis. Une jeune femme termine son travail à quatre heures du matin et rentre chez elle, épuisée et rêvant d'un bon bain chaud. Mais devant sa porte c'est l'horreur qui l'attend. Un inconnu l'attaque à violents coups de couteau. Elle hurle. L'homme se sauve. Dans la cour de l'immeuble, quelques fenêtres sont éclairées. Derrière les carreaux, des hommes et des femmes bien éveillés, en prise avec leurs soucis. Ils s'interrogent tous : qu'est-ce qui se passe ? A la vue de la jeune femme blessée, ils se rassurent tous : quelqu'un a déjà du appeler les secours. Et chacun de repartir vers ses petits drames personnels sans plus se soucier de Kat qui agonise sous leur nez. Qui va la secourrir ? Terrifiant et poignant, ce roman dénonce le monde brutal, anonyme et futile dans le lequel nous vivons sans même nous en apercevoir. Chacun vit dans sa bulle, autocentré sur ses propres soucis sans s'interroger sur ceux des voisins, trop occupé de soi, refusant d'être dérangé. L'écriture sobre magnifique, au ton juste et sans mélo, appuie juste là où ça fait mal. Chaque chapître raconte les préoccupations de chacun des habitants de la cour au moment où survient le crime. Le récit se concentre sur quelques heures avant l'aube. On suit en parallèle la lutte de Kat pour survivre. J'ai retenu mon souffle tellement le décalage entre ce qui se vit derrière les fenêtres et ce qui se passe dans la cour est terrifiant. Ce qui sidère dans ce roman c'est que l'histoire pourrait être vraie. Inacceptable et pourtant... Cela fait douloureusement réfléchir. A lire absolument et à offrir à ses voisins !!

J'ai adoré : Le style dépouillé, très percutant, stressant juste comme il faut. Le ton neutre qui ne juge jamais ces personnages tellement occupés à vivre, tellement et horriblement humains.

De bons voisins, Ryan David Jahn, Actes Sud. Impeccablement traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Simon Baril. 270p   €. En vente sur mon blog.

Ryan David Jahn, avec cet incroyable  premier roman a remporté le Prix du Meilleur Roman décerné tous les ans par la Crime Writers Association. Il est déjà traduit en dix langues.

Le retour de Silas Jones, Tom Franklin, Albin Michel.

Amitié mal vue dans le Mississipi des années 70. Dans une petite ville figée dans ses traditions, deux ados  sympathisent malgré leurs différences de classe sociale et de couleur de peau. Larry Ott, timide et solitaire, n'a pas d'amis. Son père, alcoolique violent et riche fermier, lui mène la vie dure. Silas Jones, pauvre, sans père mais excellent sportif, s'intègre mieux. Ils se découvrent voisins et passent des après-midis dans la forêt à jouer et chasser, mais leur amitié demeure secrète. La disparition d'une jeune fille, alors qu'elle était censée être au cinéma avec Larry, va mettre brutalement fin à leur relation. Vingt ans après Silas Jones, devenu policier, revient dans sa ville natale. Larry Ott plus que jamais seul, est surnommé "Larry le pourri", tout le village le fuit et le suspecte du pire. Un nouveau drame survient alors et désigne à nouveau Larry. Est-ce que Silas Jones va encore abandonner son ami ? Roman sombre et magnifique à l'écriture intense. Les détails du quotidien sont d'une précision stupéfiante. Le Mississipi n'en finit pas d'inspirer des récits forts, poignants mais pas totalement désespérés.  Ici la violence des personnages n'arrive pas à occulter les idéaux auxquels ils croient. Dans le chaos où ils se débattent, cela fait un bien fou. Cette belle histoire rude, aux allures d'excellent thriller, se dévore d'un trait et laisse KO. 

J'ai adoré : le personnage de Larry et sa solitude résignée habitée de lectures, le rythme intense du récit captivant et éprouvant, la belle écriture dramatique.

Le retour de Silas Jones, Tom Franklin, Albin Michel. Excellement traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Michel Lederer. 386p 22,90€. En vente sur mon blog.      

Tom Franklin vit dans le Mississipi et est l'une des nouvelles grandes voix de la littérature américaine. Ce roman est son quatrième traduit en français. Il faut absolument lire La culasse de l'enfer Albin Michel 2005.

Une irrépressible et coupable passion, Ron Hansen, Buchet-Chastel.

Le titre ne fait pas rêver et pourtant ce roman fascine totalement.  Il s'inspire  d'un fait divers qui a scandalisé l'Amérique en 1927 et nourrit, plus tard, le roman de James M.Cain Assurance sur la mort ainsi que le film Le facteur sonne toujours deux fois. Ron Hansen revisite avec un talent fou le portrait tragique des trois protagonistes de ce drame. Il nous offre une version inédite, drôle, amorale,  sexy et désespérée de ce crime sanglant.  La jeune et jolie Ruth s'ennuie dans un mariage sinistre et sans amour avec son vieux mari grincheux. Seule sa fille Lorraine la sauve du naufrage. Quand elle rencontre le timide Judd, mal marié également, le coup de foudre fait naître en elle, doucement mais sûrement, le projet de supprimer son méchant mari. Comment va-t-elle persuader Judd de passer à l'acte ? En sera-t-il capable ? Fascinante machination qui va conduire les deux amants froidement au crime. Habilement, l'auteur  laisse la parole tour à tour à Ruth et à Judd, ils donnent chacun leur version des faits, la passion, l'enchaînement fatal, le point de non retour. Le ton ne manque pas de piquant, d'humour, ni de mordant. Les deux compères affichent une naïveté qui frôle l'inconscience. Il y a dans leur geste autant de légèreté et d'amour que de cruauté. Remarquablement bien écrit et impeccablement construit, ce récit fascine par sa mise en scène ultra tendue, la personnalité touchante des deux héros et l'ambiance des années 20 restituée dans ses moindres détails. A noter : la belle sensualité des scènes d'amour. Rare et fort.

J'ai adoré :  l'ambiance Années Folles qui colle étrangement bien avec ce drame, "l'innocence" de Ruth et Judd, ils sont furieusement sympathiques ces deux monstres.

Une irrépressible et coupable passion, Ron Hansen, Buchet Chastel. Excellement traduit de l'anglais (Etats Unis) par Vincent Hugon. 312 pages 21€. En vente sur mon blog. 

Ron Hansen, américain et maître incontesté des biographies romancées est l'auteur d'une oeuvre impressionante dont le formidable L'extase de Mariette (Actes Sud 1994) et plus récemment La nièce d'Hitler (Buchet-Chastel 2006) qui sort en format poche ce mois-ci (Libretto).

Les filles de l'ouragan, Joyce Maynard, Philippe Rey

Formidable saga familiale. Mon premier gros coup de coeur de l'année!! Ruth et Dana sont nées toutes les deux un 4 juillet 1950, dans la même maternité de Bellersville au coeur du New Hamsphire. Elles ont été conçues lors d'une mémorable nuit d'ouragan.  "Soeurs de naissance", nées dans des familles que tout sépare, elles se fréquenteront à la demande de leurs parents mais ne deviendront jamais amies. La famille de Ruth exploite une ferme, celle de Dana mène une vie errante pseudo artistique. Ruth est une jolie rêveuse solitaire et Dana une terrienne pragmatique au physique ingrat. Leurs parents voudront toujours rester en contact et établiront le rituel d'une journée de retrouvaille chaque année, à la saison de la récolte des fraises. Le récit fait alterner la voix de Ruth et celle de Dana, au gré de leur enfance, adolescence, premier amour, mariage, enfants, etc. Leurs destins se frôlent sans jamais se croiser jusqu'où jour où un étonnant secret de famille les rapproche dans la douleur de la découverte. Impossible de lâcher ce roman, je l'ai lu avec une jubilation émue. L'écriture élégante et vive, les personnages attachants, les pointes d'humour et l'histoire originale de ces deux familles, font de ce récit un grand roman bouleversant comme on les aime. Quel talent dans la construction et dans le rythme de narration. A lire absolument.

J'ai adoré : le ton sensible, les discriptions du quotidien rural, le récit alterné de la vie des deux "soeurs", les tendres relations père-fille et la tension du secret longtemps enfoui.  

Les filles de l'ouragan, Joyce Maynard, Philippe Rey. Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Simone Arous. 336 p 20€. En vente sur mon blog.

Joyce Maynard, journaliste et romancière vit entre la Californie et la Guatemala. Elle est l'auteur d'une très intéressante autobiographie retraçant sa relation avec J.D.Salinger, Et devant moi le monde (Philippe Rey),  ainsi que de trois autres romans dont l'épatant Long week-end (10/18).

Belle année 2012 !!!!

Mes meilleurs voeux pour une Nouvelle Année pleine de douceur, sérénité, joies et lectures !!!

Rendez-vous dès le 3 janvier avec le premier de mes cinq gros coups de coeur de la rentrée. Cinq formidables romans américains qui font débuter cette année sous le signe de l'émotion pure et intense. Je les ai adoré et j'espère que vous les aimerez...