Révoltant !
En 1963 Simon, fils unique, vit avec ses parents dans une petite ville arriérée d'Afrique du Sud là où l'apartheid cloisonne tellement les hommes que les noirs sont absents du quotidien. On en parle pas et ils n'apparaissent même pas dans ce roman. Le jeune Simon raconte ses années d'enfance, son père magistrat anglais, sa mère Afrikaner, l'école, son chien adoré, ses amitiés et leur lot de déceptions, ses premiers émois sexuels. Il tait mais laisse intelligemment percer l'hypocrosie des adultes, leur stupidité, leur morale coincée et féroce. L'innocence, la maladresse et l'humour de Simon donne un charme particulier au récit. L'histoire débute avec une compétition de tennis que l'école afrikaner de Simon, alors âgé de 16 ans, doit mener contre une école anglaise. Parmi les joueurs Simon reconnaît Fanie son copain de plus petite école. Les souvenirs remontent au fur et à mesure que le match se met en place. On fait connaissance avec ceux que Simon a aimé dans le passé et qui l'ont initié à la cruauté de la vie plus sûrement que les livres : Betty la téléphoniste, Klasie le receveur des postes, Trevor le coiffeur à la chemise rose, Steve à la moto provocante, l'odieux instituteur Mr De Wet, la venimeuse Juliana, les bonnes dames de la paroisse... On découvre le fossé social qui sépare Simon et Fanie. Et si dans cette partie de tennis de grands adolescents ce qui se jouait réellement était la différence entre Africaners et Anglais ? Conflit idiot de race et de classe dans cette petite communauté autocentrée sur elle-même. Roman plus grave et profond que ne le laisse penser le ton naïf et enfantin du narrateur. Tout se joue dans l'enfance dit-on, pour ces enfants la confrontation avec la bêtise a débuté un peu tôt.
J'ai adoré : le personnage du jeune Simon tendre et crédule mais aussi avide de justice et d'amour, l'esprit percutant et insolent de sa mère, la peinture d'une société : le climat social de l'époque, la révoltante ignorance et bêtise des gens "bien pensant", les rivalités sournoises entre africaners et anglais.
Traduit de l'anglais (Afrique du Sud) par Françoise Adelstain.
Jours d'enfance de Michiel Heyns, éditions Philippe Rey. 288 p 20 €. En vente sur mon blog : http://www.leslivresquejaime.net/
Premier roman paru en 2002 et qui a connu un incroyable succès en Afrique du Sud et en Angleterre. Michiel Heyns a été professeur d'anglais avant de se consacrer entièrement à l'écriture.