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Le polar du mois : L'homme qui rêvait d'enterrer son passé, Neil Cross, 10/18.

Affolant ! Un polar psychologique totalement glaçant. Quelle réussite. J'avais loupé le grand format, il y a à peine un an, et le voici déjà en poche. Extra. Cela débute joyeusement avec une party entre happy fews anglais avec ce qu'il faut d'alcool, de drogue et de sexe. Nathan, Bob et Elise, bien allumés, sortent prendre l'air et en profitent pour batifoler tous les trois dans la forêt voisine. Ce qui aurait pu être une bêtise de jeunesse et un mauvais souvenir vire au cauchemar quand Elise meurt soudainement dans les bras de Bob. Les garçons paniquent, enterrent le corps de la jeune fille et se séparent en se jurant de ne plus jamais se revoir et d'oublier. Nathan ne pourra jamais penser à autre chose. Sa vie va prendre un virage différent. Il ne sera pas celui qu'il devait être après ses études. Il y aura un avant et un après Elise. Il dépensera une énergie folle à se racheter à ses propres yeux, jusqu'à approcher de près la famille d'Elise, mais sa conscience ne se laissera pas facilement amadouer. Il va vivre des heures, des journées et des années le ventre noué. Ce n'est pas tant la peur qui le tenaille que les remords. Pourtant un jour, à force d'efforts et de lutte, il finit par se sentir propre. C'est pourquoi quand, quinze ans après, Bob surgit chez Nathan la panique s'empare de lui... La construction du roman tourne autour des angoisses de Nathan. Elles sont terriblement communicatives et c'est ce qui est génial. On vit sa "rédemption" douloureusement page après page. J'ai eu la trouille et la rage, comme lui. Il est coupable mais innocent quand même. C'est incroyablement bien fait. Cette empathie totale avec le héros fait vibrer sur la même corde que lui et empêche de poser le bouquin. L'écriture précise, énergique et sans concession de l'auteur y est sans aucun doute pour quelque chose. Les émotions sont merveilleusement bien analysées sans discours psy. Je n'avais plus envie de quitter Nathan.

J'ai adoré : La façon dont l'auteur a exploré toutes les manifestations de la culpabilité et toutes ses expressions, c'est passionnant et original. La plume incisive de l'auteur est impressionnante.

L'homme qui rêvait d'enterrer son passé, Neil Cross, traduit de l'anglais par Renaud Morin. 10/18. 357 p 8,20€. En vente sur mon blog.

Neil Cross est anglais et il vit en Nouvelle-Zélande. Romancier et auteur de scénarios pour la télévision, ce roman est son premier polar. Son second, Captif, vient de paraître chez Belfond.

  

Cette main qui a pris la mienne, Maggie O'Farrell, Belfond.

Le titre est totalement neuneu et la photo de couverture n'a rien à voir avec le sujet mais je vous assure que ce bouquin est formidable. J'ai été tellement intriguée par ces deux histoires entremêlées que je l'ai lu en deux jours ! Le récit alterne entre la vie de deux femmes vivant à Londres à deux époques différentes. Toutes les deux sont indépendantes et actives, Lexie est journaliste critique d'art dans les années 60 et Elina artiste peintre de nos jours. Quand elles deviennent mère, elles se sentent attachées à leur enfant par un même lien physique puissant. Cette naissance bouleverse leurs priorités au delà de ce qu'elles imaginaient. Mais à part la maternité qui les transforme aussi radicalement l'une que l'autre, quel est le rapport entre ces deux jeunes mamans à 40 ans d'intervalles ? Car il y a forcément un moment où les deux histoires vont se rejoindre ? C'est cette interrogation permanente, parfaitement entretenue, qui pimente la lecture et fait dévorer ce roman. Ajouté à cela une belle sensibilité dans l'écriture, un bon rythme et deux très beaux portraits de femmes. Et voilà un roman qui emballe dès les premières pages. L'intrigue se dénoue autour d'un secret de famille mais finalement ce n'est pas ce qui importe. Il y a des passages dérangeants dont l'accouchement d'Elina et ses premiers jours de mère allaitante hébétée de fatigue. La maternité de Lexie, 40 ans plus tôt, est plus naturelle et facile, plus joyeuse aussi. Et pourtant Ted, le jeune et heureux papa compagnon d'Elina, participe beaucoup au quotidien. Mais il est débordé par les événements et anormalement troublé et agité par cette nouvelle vie. Des images d'un passé enfoui loin dans sa mémoire l'assaillent par bribes sans qu'il en comprenne le sens. La vie a des hasards qui n'en sont pas... Je ne vous en dit pas plus : lisez!

Cette main qui a pris la mienne, Maggie O'Farrell, Belfond. Traduit de l'anglais (Irlande) par Michèle Valancia. 420 p 21,50€. En vente sur mon blog.

Maggie O'Farrell était journaliste avant d'écrire son premier roman Quand tu es parti. A la suite de son succès immédiat, elle se consacre pleinement à l'écriture. Ce roman est son cinquième à paraître en France. Il faut absolument lire le précédent, La disparition d'Esme Lennox, c'est excellent.     

A glisser dans sa valise : L'homme au petit chien, Simenon, Le Livre de Poche.

Simenon n'a pas écrit que des Maigret ni même que des polars. Je suis tombée sur ce livre par hasard, un roman réédité cette année, et j'ai été impressionnée par le style clair, simple et terriblement efficace de Simenon. Quelle maîtrise du récit et des personnages. C'est l'histoire d'un type (on hésite entre brave type ou pauvre type) qui raconte sa vie en écrivant sur un cahier d'écolier. Au début cela paraît un peu morne et banal, à l'image du personnage. Un homme seul sans âge qui adopte un caniche pour avoir la sensation d'être aimé. Il a un petit job, un petit appartement, un petit chien, une petite vie. Et puis, au fur et à mesure du récit, l'homme prend une autre dimension, sa vie des allures pas si banales et son destin devient soudain tragique. Cette histoire est émouvante et ce personnage attachant. Le ton du récit et la justesse du portrait psychologique de l'homme au petit chien donnent toute sa saveur à ce roman. A noter aussi le personnage de la patronne de ce type qui est d'un piquant extraordinaire. On retouve le talent incisif du maître du polar avec un excellent style narratif en plus. Simenon écrit avec limpidité, sans fioriture, dans une langue dépouillée, très visuelle. Il n'y a pas d'action, une faible intrigue mais j'ai été happée par cette histoire comme dans un bon thriller psychologique. Je l'ai lue d'un trait. L'histoire incroyable de ce type m'a accompagnée quelques temps comme si un ami m'avait raconté une vieille histoire de famille. Car il y a de la proximité, quelque chose de familier, de profondément humain et universel dans ce roman. A découvrir.

L'homme au petit chien, Simenon, Le Livre de Poche. 200 p, 5€. En vente sur mon blog.

Georges Simenon (1903-1981) a été un écrivain foissonnant. Il avait déjà écrit près de 200 romans feuilletons quand il se lance dans les aventures de Maigret en 1931, elles seront au nombre de 72. Puis il écrira ce qu'il nomme ses "romans-romans", plus de 110 titres, avant de s'arrêter d'écrire en 1972.   

Berthe au grand pied, Martina Kempff, Actes Sud.

Roman historique flamboyant ! On sait peu de chose sur cette première reine des Francs, épouse de Pépin le Bref et mère de Charlemagne, sauf qu'elle avait un pied beaucoup plus long que l'autre et que son mariage a donné naissance à une légende. Il n'en fallait pas plus à l'auteur pour tisser un roman digne des plus grandes sagas. Berthe de Laon doit épouser Pépin III dit le Bref mais un complot propulse sa soeur de lait à sa place. Une fois la supercherie découverte, non sans mal, elle pourra enfin convoler en juste noce. L'aventure ne s'arrête pas ici car Berthe est ambitieuse, elle veut faire couronner son mari premier roi des Francs à la place du triste Childéric III, dernier roi mérovingien. Tractations hardues avec les Papes du moment, guerres saignantes pour agrandir les frontières, élémination du frère puissant de Pépin, le couple ne chôme pas. Berthe se révèle être une femme de tête, calculatrice et manipulatrice. Son goût absolu du pouvoir ne l'empêche pas de mettre au monde huit enfants ni de s'intéresser à l'amour.  Elle réussira à installer la dynastie carolingienne sur le trône de France et préparera la voix à son fils aîné, Charles. Encore que la succession entre ses fils se s'annonce pas si simple. Est-ce que Berthe va être obligée de s'en mêler ?... Portrait de femme épatant d'énergie, de ruse et d'intelligence. Berthe au grand pied fut la femme la plus puissante de son époque. Ce roman retrace avec beaucoup de force et de vitalité la vie de cette grande reine des débuts du Moyen-Age où les femmes avaient un rôle et une place essentiels dans la société. Une belle façon de découvrir une partie de notre histoire, peu connue, où les intrigues, coups bas et  tromperies étaient déjà un job à plein temps. Edifiant.

J'ai adoré : la vivacité de la plume et le style précis, le talent de conteuse formidable de l'auteur, l'ambiance dépaysante avec ses prénoms aux sonorités si étranges et puis l'histoire de Berthe, si rocambolesque.

Berthe au grand pied, Martina Kempff, Actes Sud. Traduit de l'allemand par Claude-Cyrille Laurent. 24€ 302 p.  En vente sur mon blog.

Martina Kempff, journaliste allemande, a publié son premier roman historique en 1988. Depuis elle a publié de nombreux romans dont des policiers. Ce roman a connu un vif succès en Allemagne.     

Le confident, Hèlène Grémillon, Plon

Enfin un roman français palpitant ! Il n'y en pas tellement et j'ai failli passer à côté de celui-ci. C'est Cathy,  lectrice de mon blog,  qui m'a dit il n'y pas très longtemps "il faut le lire".  Merci Cathy,  j'ai passé un moment de petit bonheur égoïste comme je les aime. Celui  d'être plongée dans un roman et de ne pas pouvoir m'en arracher.  Je ne vais pas raconter cette belle histoire car  c'est  impossible. Je risque d'en dire trop ou pas assez. Sachez simplement qu'il s'agit d'une histoire d'amour et d'amitié, de maternité et de stérilité, d'une trahison et d'un secret, de fidélité et de loyauté. Cela se déroule en France en 1939 et dans les années 70. Oubliez la seconde guerre mondiale, ce n'est pas le sujet, juste le décor. La mention de la guerre sur la 4è de couverture m'avait fait reposer le bouquin quand il est sorti, car ces histoires là j'en ai ras le marque page. Comme quoi... Et puis il y a une tension dramatique épatante, entretenue jusqu'au bout sans faillir. Mais si cette histoire d'amour compliquée, étrange et dramatique captive, si la construction originale du récit séduit, c'est l'écriture de l'auteure  qui envoûte totalement. Quelle plume ! Agile, élégante, précise, sensible, riche. Amateurs de beau style littéraire, ces pages se dévorent avec un plaisir gourmand absolu. Ce texte emporte et fait tout oublier autour. J'adore ça. La fin du  roman sidère. Je suis repartie dans les premières pages pour chercher ce qui m'avait échappé. Et j'ai trouvé. Je suis restée KO mais conquise. Un premier roman formidable.

J'ai adoré : Le personnage de Louis. Fidèle, généreux, discret, présent, honnête. L'homme que l'on aimerait rencontrer...

Le confident, Hélène Grémillon, Plon. 302 p 19€. En vente sur mon blog.

Hélène Grémillon a 32 ans elle est scénariste-réalisatrice. Le confident est son premier roman. Il vient de recevoir en juin dernier le Prix Emmanuel Roblès.