Fresque ébouriffante sur fond de Paris collabo. Guillaume est un gamin sensible, intelligent, doué pour le dessin et promis à un avenir d'artiste. C'est ce que pense son mentor, un parisien critique d'art qui passe toutes ses vacances sur l'île anglo-normande où vit Guillaume avec son frère ainé et ses parents, les châtelains ruinés du coin. Les frères grandissent et s'adorent mais pour l'amour de Pauline ils deviendront un jour rivaux. Ce jour-là, après une violente dispute, Guillaume s'enfuit à Paris. Il a presque vingt ans, la guerre éclate et le laisse désemparé mais pas à court de ressources. Il va naviguer dans ce Paris interlope de l'Occupation comme un poisson dans l'eau jusqu'au jour où, comme tant d'autres, il basculera du côté des vainqueurs pour sauver sa peau. Roman historique et romanesque passionnant, ultra documenté, fourmillant de détails savoureux sur les trafics de l'époque. Les personnalités réelles se mêlent à la fiction et c'est génial. L'intrigue m'a enchaînée aux pas incertains de Guillaume. Oui il est lâche, peu scrupuleux, égoïste, oportuniste, futile et sans morale mais malgré tout furieusement sympathique. Guillaume fait tout, le pire comme le meilleur, avec une naïveté et une gentillesse déconcertantes. Trop jeune et pas encore "construit" il se cherche une identité dans un monde sans plus aucun repère. L'écriture brillante et habile donne un ton juste à ce récit, sans dramatiser ni accuser. L'auteur nous parle de ce passage à l'âge adulte pas si facile à négocier quand on est rêveur, exalté, livré à soi-même et dépassé par les évènements. Guillaume n'est pas un héros mais il est terriblement humain et c'est irrésistible.
J'ai adoré : le rythme, le style, le ton, ce qui fait une super histoire que l'on a plaisir à retrouver chaque soir avant de s'endormir. Il y a tout dans ce roman, amour, haine, intrigues, anecdotes, humour, drames et larmes.
Les fidélités successives, Nicolas d'Estienne d'Orves, Albin Michel. 712 p 23,90€. En vente sur mon blog via Amazon.fr
Nicolas d'Estienne d'Orves, journaliste musical, a publié une vingtaine de romans dont Othon ou l'Aurore impossible Prix Roger Nimier 2002. Il a un talent de conteur étonnant.
Récit bouleversant. L'auteur raconte à la première personne du pluriel (un "nous" d'une force inouïe) la vie de ces jeunes japonaises du début du XXe siècle qui ont quitté familles et traditions pour aller rejoindre des maris japonais inconnus, déjà établis en Californie. Elles sont parties joyeuses dans leur kimono fleuri, pleines de rêves et d'espoir. Sur le bateau du départ, elles sourient en caressant la photo de l'époux qui les attend à l'autre bout du voyage. La traversée sera rude, longue et cruelle. L'arrivée encore plus. Les maris s'avèrent plus vieux que sur les photos, très pauvres et pas si gentils que ça. Les nuits de noce virent au cauchemar. Elles doivent travailler la terre comme des hommes et faire des enfants, voilà leur destin. Les journées dans les champs s'enchaînent sans répit, la misère fanent leur beauté juvénile, les grossesses alourdissent leurs traits délicats. Et pour couronner le tout, la seconde geurre mondiale désigne bientôt les japonais comme indésirables sur le territoire américain. Quelle injuste destinée... Ces pages vrillent le coeur du début à la fin. Le rythme lancinant des énumérations plurielles donne le vertige dès les premières lignes et installe un malaise que rien ne dissipe. Il y a quelque chose d'obsessionnel et d'inquiétant dans la prose raffinée de l'auteur. Une insistance désolée, comme une ode triste, simple et sans mélo. Après la lecture de ce court récit, persiste une petite musique douloureuse et pourtant très belle.
J'ai adoré : la construction, le style et l'écriture virtuose ainsi que l'histoire tragique de ces femmes anonymes sacrifiées.
Certaines n'avaient jamais vu la mer, Julie Otsuka, Phébus. Très joliment traduit de l'anglais (américain) par Carine Chichereau. 144p 15€. En vente sur mon blog via Amazon.fr
Julie Otsuka vit en Californie. Diplômée en art et peintre, elle publie son premier roman en 2002 Quand l'empereur était un Dieu (Phébus 2004).
Sensible et touchant. Rosy a 11 ans, elle vit en Moselle en 1944 lorsque les bombardements s'abattent sur sa maison et la retiennent prisonnière en compagnie de sa mère, de sa poule apprivoisée et des vilaines araignéee à longues pâtes fines comme des aiguilles d'horloge. Son oncle les nomme des "tic-tac" et elle en a très peur. Dans cette captivité angoissante, au côté de sa mère décédée, Rosy se donne du courage en parlant à sa poule et en réfléchissant à cette guerre folle qui déchire et tue sa famille. Zone frontière entre l'Allemagne et la France, la lorraine a été disputée puis conquise tour à tour par les deux pays, ce qui a donné lieu à de nombreux drames familiaux. C'est le cas chez Rosy. Dans le petit village de Moselle, où la famille de son père l'accueille avec sa mère à la suite de l'abandon de celui-ci, les vexations et humiliations sont quotidiennes. Son père est français mais il préfère l'allemagne, sa mère est allemande et vénère Hitler, sa grand-mère déteste les allemands et donc sa belle-fille et sa petite-fille, l'oncle Eddy se bat pour la France mais il aime sa nièce. Impossible de s'y retouver pour la petite Rosy dans ce chaos de sentiments. Du fond de sa cave, elle ne sait pas où se trouve la vérité. Livrée à elle même, elle revit les évènements qui ont marqué sa jeune vie et tente de comprendre le monde qui l'attend dehors, mais va-t-elle réussir à revoir la lumière du jour ? Jolie histoire racontée à hauteur d'enfant avec beaucoup de finesse et spontanéité. Un regard simple et grave sur l'identité, la différence, l'écoute et l'autre. Une efficace démonstration de la force de l'enfance qui ne juge pas ni ne condamne. De sa belle écriture souple et sur un ton naïf plein de charme, sans mélo aucun, l'auteur nous parle d'intégration et de métissage. Un roman totalement d'actualité finalement.
J'ai adoré : le courage de cette petite fille qui ne panique pas dans le noir mais s'organise, se pose et réfléchit sur elle, sa famille, les autres. Et puis j'ai adoré sa petite poule, qui est trop mignonne.
La demoiselle des tic-tac, Nathalie Hug, Calmann-Lévy. 200 p 15€. En vente sur mon blog via Amazon.fr
Nathalie Hug vit dans l'Est de la France. Elle a publié un premier roman L'enfant-rien en 2011 (Calmann-Lévy).
Très joli titre pour un très beau roman, élégant et sensible. Inspirée par des faits réels, cette histoire nous transporte à Vienne en 1777, capitale de l'Empire autrichien tout puissant. La belle ville des arts et lettres héberge alors les plus grands talents dont Mozart et Haydn. Il y a également le célèbre médecin Mesmer, premier magnétiseur de l'Histoire. Les bruits les plus fous courent sur ses méthodes étranges mais surtout sur ses résultats étonnants, proches du miracle. C'est pourquoi les riches parents de la jeune Maria Theresia Von Paradis, petit prodige du piano devenue accidentellement aveugle, se décident à conduire leur fille adorée à une consultation du fameux guérisseur. La jeune Maria est devenue aveugle subitement à l'âge de quatre ans et a dû se soumettre, à la demande de ses parents, à tous les traitements les plus farfelus et les plus douloureux pour guerrir mais en vain. Ses parents l'exhibent comme un chien savant de salon et, au fil des années, ils en ont fait leur "chose". Après une consultation, Mesmer exigera de garder l'enfant dans sa demeure, transformée en clinique de luxe, pour l'isoler de ses parents qu'il juge trop étouffants. Elle aura un piano et jouera comme elle voudra. La jeune fille d'abord perdue va se sentir peu à peu respirer, exister. Il va se tisser entre Maria et son médecin une chaste relation d'une telle force et d'une telle intensité que celle-ci va recouvrir partiellement la vue. Ce succès attirera jalousie et haine sur la maison du médecin qui devra fuir Vienne mais qu'adviendra-t-il alors de Maria ? Très beau roman qui traite avec subtilité de la relation unique et essentielle entre médecin et malade. Il y a entre Maria et Mesmer quelque chose d'intense fait d'admiration réciproque, de confiance et de respect. Auprès de son médecin Maria apprend a être elle-même. Sa passion pour la musique devient son regard sur le monde. Son apprentissage est rendu très émouvant et attachant par la belle écriture délicate et poétique de l'auteur. Comme une douce sonate de Mozart.
J'ai adoré : la plume talentueuse de l'auteur, le comique des passages sur les soirées à la cour, les toilettes et perruques compliquées de Maria, ses parents caricaturaux dans leurs prétentions mais aussi l'idée existentielle de la musique.
Au commencement la nuit était musique, Alissa Walser, Actes Sud. Traduit de l'allemand par Juliette Aubert. 256 p 21 €. En vente sur mon blog.
Alissa Walser est allemande, écrivain, peintre et traductrice. Elle a publié deux recueils de nouvelles en allemand, des pièces de théâtre et des livres pour enfants. Au commencement la nuit était musique est son premier roman publié en France.
Saga belle, palpitante et douloureuse. Fang Defa a quatorze ans lorsqu'il quitte sa chine natale en 1877 et s'embarque pour le nouvel Eldorado : la Colombie Britannique. Nous sommes à la fin du 19è siècle et les premiers "coolies" débarquent à Victoria et à Vancouver. Des cargos remplis d'hommes venus chercher le travail que leur pays ne leur donne plus. Cette terre nouvelle, ils la surnomment La Montagne d'Or, certains en reviennent les poches pleines, d'autres jamais. Dès leur arrivée ils sont utilisés pour construire le fameux chemin de fer canadien, le "Canadian pacific". Des esclaves mal nourris, mal traités et mal payés. Une fois le chemin de fer terminé, les chinois ne seront plus désirés sur le territoire et une lourde taxe sera exigée pour leur entrée. Ce qui ne freinera pas le flot des émigrants. Ils seront alors purement et simplement interdits jusqu'en 1949. Comment Fang Defa et les siens vont survivre dans ce monde hostile ? Qu'en sera-t-il du rêve de fortune transmis de génération en génération ? Fresque romanesque passionnante. L'auteur donne beaucoup d'informations sur cette période historique canadienne que je ne connaissais pas. Sur cinq générations d'une même famille nous suivons la vie quotidienne de ces chinois, un peu naïfs, émigrés au Canada et également celle de leurs proches restés en Chine du sud, là où les femmes attendent nouvelles, retours et argent. Une vie tissée d'espoirs, d'absences et de larmes. Un récit minutieux, formidable dans les moindres détails des us et coutumes des paysans chinois. La petite histoire en marge de la grande. Beaucoup de rembondissements, de péripéties et de tourments. Un voyage captivant dans des temps pas si lointains et pourtant tellement archaïques. A lire absolument.
J'ai adoré : Tous les personnages émouvants de cette famille, le sens de l'honneur des hommes, le courage modeste des femmes et puis Emmy, la dernière génération, une américaine cultivée en quête de ses racines.
Le rêve de la Montagne d'Or, Ling Zhang, Belfond. Traduit du chinois par Claude Payen. 588 p 22 € . En vente sur mon blog.
Ling Zhang vit à Toronto depuis 1986 mais elle est née en Chine à Hangzhou en 1957. Elle a publié quatre romans et quatre recueils de nouvelles. Elle a reçu de nombreux prix littéraires en Chine. Le Rêve de la Montagne d'Or est son premier roman à paraître en français.
Savez-vous que le célèbre tableau l'homme au gant attribué au Titien, et qui siège au Louvre, n'a pas été peint par Le Titien ? Des experts suisses se sont penchés récemment sur une légère anomalie présente dans la signature. Ils sont formels : le "T" a été peint en premier et la suite par une autre main. Par ailleurs, le vernis qui recouvre la toile est fait de deux résines connues dans la peinture du XVIè siècle mais aussi d'encens, du jamais vu dans un vernis. Il n'en fallait pas plus pour que l'auteur imagine une vie et un destin tragique à ce mystérieux "T". Metin Arditi, brosse le portrait d'un personnage d'autant plus fabuleux qu'il n'a laissé aucune trace de son passage sur terre. A-t-il existé ou pas ? Ce roman nous raconte ce qui pourrait être son histoire. Elie, un enfant ultra doué pour le dessin, serait né vers 1516 dans les bas fonds de Constantinople. Il réussira à échapper à la misère en prenant la mer à bord d'un bâteau vénitien. Sous une fausse identité il se fera engagé dans les ateliers du Titien grâce à ses talents de portraitiste hors du commun. Après des années de travail, il dépassera le maître et deviendra le plus grand peintre de Venise, le plus honoré et adulé, sous le sobriquet de Turquetto. Mais le destin veille et Elie sera bientôt rattrapé par son passé et ses mensonges... Ce roman, à la belle écriture imagée et sensuelle, nous transporte dans un autre monde, celui de l'art sacré du XVIè siècle. Les descriptions de tableaux et de techniques de peinture sont un pur régal. L'inspiration permanente et l'avidité de création du jeune Turquetto font vibrer. Sa peinture réussit une synthèse des religions musulmane, juive et chrétienne. Ce sera sa marque de fabrique. La Venise de cette époque est décrite dans sa terrible réalité : puanteur, saleté, corruption, rivalités, assassinats. Idem pour le Grand Bazar de Constantinople, coloré, bouillonnant mais aussi crapuleux et pouilleux. Et pourtant le tout dégage un charme romanesque fou. Une immersion totale dans un siècle de génie, de beauté et d'horreur. Exhaltant.
J'ai adoré : l'ambiance trépidante, les intrigues Venitiennes et les luttes de pouvoir, la place des artistes dans la vie quotidienne et ce Turquetto anti-héros pas beau mais terriblement séduisant.
Le Turquetto, Metin Arditi, Actes Sud. 282 p 19,50€. En vente sur mon blog.
Metin Arditi, est né en Turquie et vit en Suisse. Il parle plusieurs langues dont le grec et l'italien. Il enseigne à l'Ecole Polytechnique et préside l'Orchestre de la Suisse Romande. Il a publié six romans dont La Fille des Louganis (Actes Sud 2007) que j'adore.
Fresque historique violente et flamboyante. L'histoire tumultueuse de la Mafia depuis ses origines siciliennes dans les années 20 jusqu'à son triomphe à New York pendant la seconde guerre mondiale. L'auteur mêle habillement la fiction et la réalité pour rendre passionnant et attachant un récit historique sulfureux. Il s'appuie sur de nouvelles révélations au sujet des relations italo-américaines et le rôle de la Cosa Nostra avec le fascisme. Le personnage central du roman, et totalement imaginaire, est un prince sicilien à la belle allure et au coeur noble, Fernado Licata dit U Patri (le père). Au lendemain de la guerre de 14/18, il fédérera les propriétaires terriens de Sicile pour protéger les paysans des bandits, des miséreux qui dévastent les domaines agricoles pour survivre. La Mafia est née. Cette protection s'étendra tout naturellement contre le fascisme qui comptera tous les repris de justice de l'île dans ses membres de la première heure. C'est pour fuir cette terreur extrémiste que de nombreux siciliens, nobles ou déshérités, vont prendre le bâteau pour New-York. Le prince Licata est du nombre. Sur place, il participera activement à la création de la plus puissance organisation criminelle du monde et fréquentera amicalement les plus grands rois de la pègre. Puissante et infiltrée, la Mafia dictera ses lois aux politiciens de l'époque et jouera un rôle important dans le débarquement des forces alliées en Europe. La belle verve narrative de l'auteur captive des premières lignes aux dernières. L'intrigue mêle actions et rebondissements, affaires crapuleuses, trafics en tous genres, assassinats sanglants, enrichissements déments, vengeances et passions amoureuses contrariées. La plume est précise et séduisante. On sent une pointe d'admiration de l'auteur pour ces hors la loi au sens de l'honneur développé et au grand coeur. Il réussit très bien à nous la faire partager. Impossible cependant de valider leurs pratiques cruelles, immorales et vénales. En refermant le roman on ne peut pas s'empêcher de s'interroger : Qu'en est-il du pouvoir de la Mafia dans le monde d'aujourd'hui ? Mais c'est une autre histoire...
J'ai adoré : Le romanesque fou de cette histoire, la tension et le suspense parfaitement bien entretenus sur plus de 600 pages. L'auteur, dont c'est le premier roman, possède un vrai talent de conteur. Il y a quelque chose du Guépard (Giuseppe di Lampedusa 1958) dans ce Father et j'adore ça.
Father, Vito Bruschini, Buchet-Chastel. Traduit de l'italien par Thierry Maugenest. 640 p 25 €. En vente sur mon blog.
Vito Bruschni vit à Rome où il est grand reporter. Il dirige l'agence Globalpress Italia. Father est son premier roman. Il est en court d'adaptation pour le cinéma.
Si, comme moi, vous aimez le mystique et le merveilleux médiéval vous allez adorer. C'est l'histoire d'une jeune fille exaltée, Esclarmonde, qui refuse le mari que lui impose son père. Elle a choisi d'offrir sa vie à Dieu. Nous sommes en 1187 et, comme Sainte Agnès, Esclarmonde demande à être emmurer vivante dans une pièce minuscule ajoutée à la chapelle du domaine de son père, les Murmures. Là elle va consacrer sa vie à la prière. Dans sa prison, il y aura juste une fenestrelle flanquée de barreaux pour communiquer avec le monde. Rien ne se passera comme Esclarmonde l'avait imaginé, à commencer par la solitude. Très vite, et pour une raison inattendue, la jeune fille sera idôlatrée comme une sainte et attirera les pélerins. Loin de vivre en recluse elle participera par la parole et la pensée à la marche du monde et à la folle équipée des Chevaliers en Terre Sainte. Jusqu'où acceptera-t-elle la captivité et la mort ?... Une légende éternelle et belle, dans la plus pure tradition des récits fantastiques et féériques du Moyen-Age. Il y a beaucoup de poésie, d'élégance et de sensibilité dans cette écriture passionnée, envoûtante. Les croyances et supersitions voisinent avec la foi la plus absolue. La loyauté et le courage sont magnifiés. La relation à la nature, aux éléments, aux pierres fait vibrer. L'évocation de la vie aux limites du rêves aussi. Des pages d'une beauté surprenante, puissante, inoubliable.
J'ai adoré : la beauté de l'écriture qui charme totalement dès les premières phrases, l'ambiance magique, le personnage fiévreux d'Esclarmonde. Aujourd'hui on dirait qu'elle est folle mais quelle force d'âme.
Du domaine des Murmures, Carole Martinez, Gallimard. 202 p 16,90€. En vente sur mon blog.
Carole Martinez a quarante ans et a un talent fou. Si vous n'avez pas lu son premier roman Le coeur cousu (Folio) précipitez-vous c'est aussi un bijou absolu.
Roman historique flamboyant ! On sait peu de chose sur cette première reine des Francs, épouse de Pépin le Bref et mère de Charlemagne, sauf qu'elle avait un pied beaucoup plus long que l'autre et que son mariage a donné naissance à une légende. Il n'en fallait pas plus à l'auteur pour tisser un roman digne des plus grandes sagas. Berthe de Laon doit épouser Pépin III dit le Bref mais un complot propulse sa soeur de lait à sa place. Une fois la supercherie découverte, non sans mal, elle pourra enfin convoler en juste noce. L'aventure ne s'arrête pas ici car Berthe est ambitieuse, elle veut faire couronner son mari premier roi des Francs à la place du triste Childéric III, dernier roi mérovingien. Tractations hardues avec les Papes du moment, guerres saignantes pour agrandir les frontières, élémination du frère puissant de Pépin, le couple ne chôme pas. Berthe se révèle être une femme de tête, calculatrice et manipulatrice. Son goût absolu du pouvoir ne l'empêche pas de mettre au monde huit enfants ni de s'intéresser à l'amour. Elle réussira à installer la dynastie carolingienne sur le trône de France et préparera la voix à son fils aîné, Charles. Encore que la succession entre ses fils se s'annonce pas si simple. Est-ce que Berthe va être obligée de s'en mêler ?... Portrait de femme épatant d'énergie, de ruse et d'intelligence. Berthe au grand pied fut la femme la plus puissante de son époque. Ce roman retrace avec beaucoup de force et de vitalité la vie de cette grande reine des débuts du Moyen-Age où les femmes avaient un rôle et une place essentiels dans la société. Une belle façon de découvrir une partie de notre histoire, peu connue, où les intrigues, coups bas et tromperies étaient déjà un job à plein temps. Edifiant.
J'ai adoré : la vivacité de la plume et le style précis, le talent de conteuse formidable de l'auteur, l'ambiance dépaysante avec ses prénoms aux sonorités si étranges et puis l'histoire de Berthe, si rocambolesque.
Berthe au grand pied, Martina Kempff, Actes Sud. Traduit de l'allemand par Claude-Cyrille Laurent. 24€ 302 p. En vente sur mon blog.
Martina Kempff, journaliste allemande, a publié son premier roman historique en 1988. Depuis elle a publié de nombreux romans dont des policiers. Ce roman a connu un vif succès en Allemagne.
Sensible !
En 1954, à la chute de Dien Bien Phu, Saigon cesse d'être française. Mais dix ans auparavant le maréchal Pétain la gouverne mollement de loin. Ce roman restitue à merveille l'ambiance tendue et menaçante de l'époque. Quand le régime colonial local appliquait les lois de Vichy et pactisait avec le japon qui ambitionnait d'étendre son empire sur toute l'Asie. Le narrateur, jeune commissaire de police en poste à Saigon et gaulliste, est partagé entre son devoir, ses aspirations et ses sympathies pour le combat nationaliste des vietnamiens. La ville moite bruisse de contestations: Sous les lustres de l'hôtel Continental, dans les frous-frous des valses insouciantes, les gaullistes échangent messages et missions secrètes alors que dans les quartiers sombres populaires, les communistes s'organisent. La présence arrogante des japonais leur a fait comprendre la faiblesse de la France et leur donne de l'espoir. Le commissaire appréhende les jours à venir. Il donne le change pour preserver sa femme Clara qui ne rêve que de Venise et pour cacher une jeune Trotskiste dont il est tombé amoureux. Les français attendent le débarquement des forces alliées, les japonais se préparent à l'accueillir, les communistes vietnamiens pensent indépendance. L'orage gronde, quand et où la foudre vat-elle tomber ? Roman passionnant, très bien documenté. On sent parfaitement l'imminence du danger, la violence qui couve, la fin dramatique de quelque chose. Le destin de ce pays va basculer dans une horreur qui va durer des années. Le récit de l'auteur possède une épatante force d'évocation, on visualise parfaitement le quartier, les rues où se joue le destin tragique de l'une des plus belles colonies françaises. Le ton est juste, sans lyrisme, plein d'humanité. Un 1er roman remarquable qui ferait un super film !
Saigon la Rouge, Jacques de Miribel, La Table Ronde. 240 p, 18 €. En vente sur mon blog.
J'ai adoré : Apprendre sur cette partie peu connue de la seconde guerre mondiale, le personnage du commissaire de police déchiré entre honneur , passion et devoir. Un vrai héros.
Jacques de Miribel, agrégé de lettres modernes, comme ses parents est né au Vietnam qu'il a quitté à l'âge de 16 ans. Ce premier roman est sans aucun doute nourrit de souvenirs personnels