lillyinthevallee

Le monde à l'endroit, Ron Rash, Seuil.

Histoire virile, rude et brutale, sur fond de paysages grandioses des montagnes de Caroline du Nord.  Le jeune Travis, 17 ans, est en conflit avec l'autorité paternelle et tout ce qui lui ressemble. Il faut dire que son père le bat et le rudoie souvent en travaillant sur son exploitation de tabac.  Le vieux Toomey, lui, le blesse gravement pour lui donner une leçon le jour où Travis lui vole des plans de cannabis. Et puis il y a Léonard, un prof brisé et désormais dealer. Il vit dans un camping-car avec Dena, jeune droguée à la dérive. Travis quitte ses parents pour se réfugier chez lui. Il va passer une année qu'il n'est pas prêt d'oublier, de celle qui font quitter l'enfance et grandir d'un coup. D'autant plus qu'il va découvrir une vieille histoire qui touche sa famille, un terrible massacre pendant la guerre de Sécession. Roman impressionnant, à l'écriture superbe avec des envolées poétiques bouleversantes dès qu'il s'agit de nature. L'opposition est forte et permanente entre la noirceur des hommes, ceux d'aujourd'hui comme ceux d'hier, et la beauté préservée des paysages. Le jeune Travis possède en lui cette dualité : bière, dope et petits boulots côtoient son plaisir émerveillé de travailler le nez dans la terre et celui de pêcher la truite sauvage à main nue. Et si nous possédions tous cette part de beauté dans l'enfance et que nous la perdions en grandissant ? A méditer.

J'ai adoré : La sauvagerie des Appalaches mise en parallèle avec celle des hommes, c'est dur mais beau et marquant. J'ai aimé l'écriture si évocatrice et si émouvante.

Le monde à l'endroit, Ron Rash, Seuil. Remarquablement bien traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Isabelle Reinharez. 281 p 19,50 €.

Ron Rash publie ici son troisième roman. Il s'est fait connaître en France avec Un pied au paradis (Le Masque 2009), chef d'oeuvre à lire absolument. 

 

Fragiles serments, Molly Keane, Quai Voltaire

 Le charme absolu de la vieille aristocratie anglaise. Nous sommes en 1930 et la riche famille Bird va se réunir au grand complet dans leur magnifique manoir niché dans la campagne irlandaise. Ils fêtent le retour du fils aîné, John, après un séjour en maison de repos pour dépression. Lady Olivia, la belle et futile maîtresse des lieux, s'en réjouit comme une gamine la vieille de Noël. Son inséparable et très chic amie Eliza l'aide à organiser l'évènement. La gouvernante du petit dernier, Miss Parker, fait ce qu'elle peut pour trouver sa place dans ce milieu qui n'est pas le sien. Le père, réservé, se retire dans sa bibliothèque pendant que sa fille, Sheama, ne se préoccupe que de ses robes et de ses amours naissantes. Les domestiques chuchotent dans les coins. A travers le regard d'Eliza tout ce petit monde va nous livrer ses secrets, ses trahisons et ses chagrins dans un huit clos aigre-doux où mensonges et jalousies pourrissent tout. Il se dégage de ces belles pages à l'écriture élégante, une tristesse sourde. De cette famille privilégiée à la beauté triomphante émane une insatisfaction étrange, douloureuse. Molly Keane excelle dans le portrait de personnages saisissants d'humanité. Elle décrit la campagne irlandaise avec une sensibilité et une poésie rares. La beauté de la nature environnante fait écho à la flamboyante plastique de la famille Bird. La solitaire et laide Miss Parker tranche dans ce décor idyllique mais c'est pourtant elle qui va vivre une aventure étonnante et lumineuse. Délicieux et grinçant drame familial sur fond de féroces rapports de classe.

J'ai adoré : la peinture de cette société évanouie qui n'en finit pas de fasciner avec ses manières élégantes et cruelles, le touchant personnage de Miss Parker et celui de Lady Olivia un peu sotte et si belle.

Fragiles serments, Molly Keane, Quai Voltaire. Traduit de l'anglais (Irlande) par Cécile Arnaud. 286 p 21 €. En vente sur mon blog via Amazon.fr

Molly Keane (1904-1996) était une aristocrate irlandaise, fine observatrice, douée pour exprimer les tensions et passions de la belle société dans laquelle elle évoluait. Elle écrivit huit romans et fut acclamée par la critique internationale à sa mort. Il faut lire également Un beau mariage (La Table Ronde 1996).

Bons baisers de Cora Sledge, Leslie Larson, poche 10/18

Pour sourire d'un sujet pas facile. Cora a quatre vingt deux ans, elle a un caractère infernal, mange trop, fume trop et se bourre d'anxyolitiques depuis la mort de son mari. Ses enfants en ont assez de la surveiller et de la sermoner, ils décident de la placer en maison de retraite médicalisée. Si Cora s'en offusque et boude au début, très vite elle s'organise et sa nature rebelle reprend le dessus. Elle se frite avec les infirmières et les autres pensionnaires, s'énerve contre le réglement et la directrice, soudoie son kiné amoureux d'un infirmier et fume en cachette. Elle en profite aussi pour écrire son histoire. Et puis un jour, elle s'entiche du beau Vito, un vieux monsieur chic qui la subjugue totalement. Là voilà qui rêve comme une midinette, projette de se remarier et de récupérer sa maison pour y vivre heureuse avec Vito. Mais sait-elle qui est exactement ce charmeur ? Roman délicieux, écrit avec finesse et un humour décapant. Sur le mode du journal intime, Cora nous raconte ses jours en maison de retraite mais aussi ce qu'a été sa vie, son enfance, le secret de ses vingt-ans, ses désirs et ses frustrations. Avec une belle énergie, beaucoup de cocasseries et une sacrée dose de bonne humeur, elle nous prouve que veillir c'est vivre encore. A l'heure où se pose la question de la dépendance des personnes âgées, ce roman tombe à pic. Sans aucune mièvrerie, et loin des tabous, il a l'audace de parler d'amour entre octogénaires quand il serait de bon ton que les mamies sucrent les fraises, sans bruit.

J'ai adoré : le personnage de Cora attachante, émouvante, si sympathique malgré tous ses excès.  Le vocabulaire de la vieille dame indigne vaut la lecture. La peinture du petit monde clos de la maison de retraite est terrible de perfidie et mesquinerie.

Bons baisers de Cora Sledge, Leslie Larson, formidablement bien traduit de l'anglais (américain) par Michèle Valencia. Poche 10/18. 380 pages, 8,80€. En vente sur mon blog via Amazon.fr

Leslie Larson est journaliste et vit en Californie. Ce roman est son second livre.

 

Marie-Blanche, Jim Fergus, Pocket

Splendide saga américaine, en format poche, à glisser absolument dans sa valise !!! Une histoire comme on les aime, pleine de passions, de drames, d'horizons et de larmes. L'auteur croise les destins incroyables de sa mère, fragile et alcoolique, et de sa grand-mère, autoritaire, manipulatrice et immorale. A travers le portrait de ces deux femmes, il tente de comprendre pourquoi sa mère, l'émouvante Marie-Blanche, ne l'a jamais aimé et pourquoi elle a tragiquement mis fin à ses jours. Jim Fergus nous parle d'amour maternel défaillant avec rage et délicatesse. Son écriture virtuose, d'une grande force d'évocation nous emmène du début du XXè siècle à nos jours, du fin fond de la Bourgogne aristocratique, à Chicago, New-York, Londres et dans l'Egypte coloniale. Impossible de résumer l'histoire, c'est bouillonnant, séduisant et attachant du début à la fin. J'ai été totalement prise dans ce tourbillon furieux et émouvant. Excellent roman, vraiment !!!

J'ai adoré : le romanesque formidable, les détails très précis des lieux et paysages, le destin tragique de Marie-Blanche et celui extraordinaire de Renée, la grand-mère amorale aux trois maris.

Marie-Blanche, Jim Fergus, Pocket. Traduit de l'anglais (américain) par Jean-Luc Piningre. 731 p 9,10€ En vente sur mon blog via Amazon.fr

Jim Fergus est passionné par les grands espaces américains et par les Indiens d'Amérique. Il faut absolument lire son premier roman Mille femmes blanches (2000), total chef d'oeuvre.

 

Mémoire d'une nuit d'orage, Nancy Pickard, Belfond.

Un vrai beau gros mélo pour l'été. Tous les ingrédients y sont : amour, jalousie, argent, mensonges, secret de famille. L'action se déroule dans un vaste ranch du Kansas en 1986 et de nos jours. La famille Linder, le plus gros propriétaire terrien du coin, forme un clan soudé, puissant et respecté mais envié. Par une nuit d'orage dément, le fils aîné adoré de tous ainsi que sa femme sont assassinés. Si son corps à lui est retrouvé transpercé d'une balle celui de son épouse ne réaparaîtra jamais. Le jeune couple laisse leur fille, Jody, âgée de trois ans orpheline et inconsolable. Un suspect idéal est arrêté très vite et mis en prison pour quarante ans. Mais au bout de vingt ans il sort et revient sur les lieux du drame. Jody et toute sa sa famille se serrent les coudes pour faire face à ce qu'ils redoutent tous, la vengeance. Mais si le meurtrier finalement se cachait ailleurs ? L'intrigue, bien construite, captive (surtout dans la deuxième moitié du roman) et plonge dans un suspense fébrile digne d'un très bon polar. Aucun message dans ces pages mais une histoire dramatique avec quelques envolées de bons sentiments à l'américaine qui font oublié le quotidien, la pluie et les soucis. A lire sur la plage ou dans le métro. Quand on ne part pas, cela console parfaitement bien...

J'ai adoré : le profil psychologique de tous les membres de cette famille très stéréotypée, les bons et les méchants, le traître, la morale et la fin heureuse. Tout est bien à sa place et j'adore quand les drames se terminent par des histoires d'amour. Pas vous ?

Mémoire d'une nuit d'orage, Nancy Pickard, Belfond. Traduit de l'anglais (américain) par Françoise Rose. 388 p 21€. En vente sur mon blog via Amazon.fr

Nancy Pickard est une romancière à gros succès au Etats-Unis. Ce roman est son premier livre traduit en français.

Mai en automne, Chantal Creusot, Zulma

Formidable saga provinciale. Dans une petite ville du Cotentin nous vivons les amours et désamours des membres de quatre familles. De 1939 aux début des années 50, les  Vuillard, Laribière, Lamaury et Laloy nous emportent dans le tourbillon de leur vie à la fois banale et compliquée. Heureusement qu'il y a une sorte d'arbre généalogique au début du roman car l'auteur fait des tours et des détours entre les uns et les autres, des allers et retours dans le temps, des croisements de routes et de destins. De quoi filer le tournis et se perdre mais c'est un des charmes de ce roman à plusieurs voix. Impossible de résumer l'histoire car il y en a plusieurs avec des personnages beaux, attachants et émouvants. Une véritable et émouvante chronique pronvinciale. L'écriture touche au sublime par son élégance, sa richesse, ses images souvent poétiques. Il y a une précision impressionnante dans  les détails du quotidien, la vie simple et compliquée de province et beaucoup de justesse dans les émotions. La parfaite maîtrise du récit et de sa tension dramatique apportent une belle énergie à cette fresque déchirante, parfois, et palpitante d'un bout à l'autre. A lire absolument !!!

J'ai adoré : la belle plume de l'auteur, tellement rare, tous les personnages avec un faible pour la pétillante Madame Durban,  le message sur la vie qui passe en nous laissant suspendus à nos passions. A noter : la superbe et originale couverture créée par Zulma. Rare aussi.

Mai en automne, Chantal Creusot, Zulma. 400 p 22 €. En vente sur mon blog via Amazon.fr.

Chantal Creusot a écrit ici son premier et unique roman. Le livre d'une vie par une femme qui colle à son siècle, dans la filiation directe de Flaubert avec Madame Bovary.      

Le dernier vide grenier de Faith Bass Darling, Lynda Rutledge, Jacqueline Chambon

Nostalgie douce et mélancolique. Faith Bass Darling, vieille dame chic richissime, vit seule et recluse dans son splendide manoir, à Houston Texas, au milieu de meubles, bijoux et objets d'art accumulés par des générations avant elle. Elle tient à chacune de ces pièces rares comme à la prunelle de ses yeux. Mais voilà qu'un beau matin elle décide d'organiser un immense vide grenier et de vendre sur sa grande pelouse, et pour trois fois rien, ses trésors familiaux. Que se passe-t-il ? Sa fille, fâchée avec sa mère depuis longtemps, revient à la maison, des voisins s'inquiètent, d'autres en profitent pour acquérir lampes Tiphany et commodes signées pour une bouchée de pain. En une journée la vie de Faith Bass Darling se défait au rythme du départ de ses chères collections sans qu'elle semble réaliser ce qui se passe. Et pour cause... Roman délicieux et intelligent sur la mémoire, celle des individus et celle des choses qui nous entourent. Au fur et à mesure que les bibelots disparaissent de la pelouse de Faith, leurs histoires s'invitent et se racontent comme s'ils avaient une vie propre. Chacun correspond à un épisode de la vie de Faith, de celle de sa famille. Ils finissent par nous révéler un douloureux secret familial. L'auteur nous interroge avec beaucoup de justesse sur notre besoin d'accumuler des objets et de nous y attacher. En fin de compte qui possède qui ? Les objets ou leurs propriétaires ? Et qu'est-ce qui donne leur valeur aux choses ? Leur prix ou le regard que nous leur portons ? Le ton à la fois léger, ironique et dramatique, donne beaucoup de vie à cette journée folle. La construction originale du roman autour des objets, et de leur histoire, captive absolument. L'extravagante et capricieuse Faith devient sympathique et on compatit au drame de cette vieille petite fille trop riche pour être heureuse.

J'ai adoré : l'ambiance désuette pleine de charme, la plongée dans le monde des antiquaires, le personnage de Faith agaçante et touchante, le sujet intelligent.

Le dernier vide grenier de Faith Bass Darling, Lynda Rutledge, Jacqueline Chambon. Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Laure Manceau. 304 p 23 €. En vente sur mon blog via Amazon.fr

Lynda Rutledge a été journaliste avant de se consacrer pleinement à l'écriture.  Ce roman est son premier et promet beaucoup. 

 

La liste de mes envies, Grégoire Delacourt, JC Lattès

Subtil et délicieux. Jocelyne, quarante sept ans,  est mercière à Arras. Elle a curieusement épousé un Jocelyn dont elle a deux grands enfants. Elle mène une vie tranquille, presque ennuyeuse, dans une province sans charme. Mais Jocelyne aime son métier, son mari, ses enfants, ses copines de la mercerie et son blog lesdixdoigtsdor, qu'elle anime avec passion. Bref, elle est heureuse comme ça et même si son mari n'est pas le prince charmant de ses rêves, elle y tient. Tout va pour le mieux jusqu'au jour où elle gagne dix-huit millions au Loto. Ahurie, Jocelyne ne sait pas quoi faire d'une telle somme, elle n'ose pas en parler à ses proches. Elle a peur du changement. Elle dresse la liste de ses besoins immédiats, et modestes, qui pourront être satisfaits avec une telle somme tombée du ciel. Elle s'en réjouit et puis elle décide de rédiger la liste de ses envies. Ces choses auxquelles elle n'osait pas rêver avant ce bon coup du sort. Elle caresse le pouvoir de l'argent. Mais, pas folle, Jocelyne songe également à ce qu'elle pourrait perdre dans cette aventure. Elle hésite à encaisser le chèque, à annoncer la "grande" nouvelle. Que va-t-elle décider ? Très joli roman sur le fantasme du gros lot qui apporte forcément la félicité  puisque l'argent sert à ça. Une réflexion drôle et tendre que ce qu'est le bonheur pour chacun, la différence entre le besoin et le désir, le rêve et l'illusion. L'auteur questionne avec finesse sur la place de l'argent dans notre société ultra matérialiste. L'écriture simple et directe donne plein de vie aux personnages. Il y a beaucoup de bons mots, de bons sens, de trucs du quotidien bien vus. Jocelyne est attendrissante et attachante. Ce beau portrait féminin est rare. Sous la plume d'un homme, c'est ultra réjouissant. A lire absolument !!!

J'ai adoré : Jocelyne et ses deux copines jumelles dans leurs histoires de filles, le questionnement de Jocelyne sur le bonheur, l'amour, la vie. Elle nous ressemble furieusement !!

La liste de mes envies, Grégoire Delacourt, JC Lattès. 186p 16€. En vente sur mon blog via Amazon.fr

Grégoire Delacourt s'est déjà fait remarquer avec son premier roman l'écrivain de la famille (2011) couronné de succès et de Prix Littéraires. Ce deuxième roman a déjà été remarqué par de nombreux éditeurs dans le monde entier où il est déjà en vente, dont aux USA. Auteur Français à suivre !!

La comtesse de Ricotta, Milena Agus, Liana lévi.

Histoire courte en forme de conte grave et lumineux. A Cagliari en Sardaigne, trois soeurs ruinées se partagent leur beau palazzo familial délabré. Il y a Noemi, solitaire et autoritaire, Maddalena, sensuelle jeune mariée en mal de maternité, et la Contesse de Ricotta, mère célibataire maladroite au coeur délicat et friable comme le fromage du même nom. Elles rêvent toutes les trois de retrouver leur splendeur passé mais en attendant elles s'accomodent de leur infortune. Ce qui les agitent très différemment les unes des autres c'est l'amour, sa place et ses visages. Chacune vit une histoire sentimentale qui les laisse insatisfaite, en attente, dans le désir. Et si la perfection dans ce domaine n'existait tout simplement pas ? De sa jolie plume élégante, Milena Agus nous parle des désillusions de l'amour avec un charme infini et un joli humour triste. Il y a des images poétiques et des situations cocasses qui enchantent, une folie douce et un désespoir tendre qui touchent. Ce petit livre se dévore très vite et puis on relit des passages pour le plaisir de retrouver Noemi, Maddalena et la pauvre contesse Ricotta aux prises avec leurs sentiments contrariés.

J'ai adoré : l'idée du délabrement du palais mis en perspective avec l'agitation intérieure des trois soeurs, l'évocation des fastes du passé dans la déco, les meubles et la vaisselle, les recettes de cuisine sarde évoquées et surtout celles des gâteaux dont les sebadas (petits chaussons farcis de brebis frais).

La Comtesse de Ricotta, Milena Agus, Liana Levi. Traduit de l'italien par Françoise Brun. 119p 13,50€. En vente sur mon blog via Amazon.fr

Milena Agus est devenue célèbre dans le monde entier avec Mal de Pierres (Liana Lévi 2007). La Comtesse de Ricotta est son quatrième roman publié en France.

Amy et Isabelle, Elizabeth Strout, Ecriture.

Conflit entre mère et fille.  Lors d'un été d'une chaleur folle, Amy 16 ans vit ses premiers émois amoureux en tombant raide dingue amoureuse de son prof de math. Dans son coin de Nouvelle Angleterre et dans les années 60, cela ne se fait pas vraiment. Surtout lorsque que l'on a pour mère Isabelle, corsetée et coincée comme au 19è siècle. Elles vivent toutes les deux de manière fusionnelle, sans fantaisie ni joie, dans une modeste maison et une petite ville morne. Amy s'ennuie comme toutes les ados, fume en cachette au lycée avec sa copine délurée Stracy et rêve à l'amour. Isabelle travaille dans les bureaux d'une usine au milieu de femmes qui se chamaillent toute la journée. Elle admire et aime en secret son patron qui ne lui adresse jamais un regard. Amy et Isabelle s'adorent mais souffrent de solitude chacune dans leur coin. L'aventure amoureuse d'Amy dans l'oppressante canicule va faire exploser la vie tranquille tissée d'apparences par Isabelle et révêler un secret qu'elle aurait aimer garder pour elle. Roman sentimental sans être mièvre. Le style énergique et simple de l'auteur donne le ton et sonne vrai. A l'image des romans de Jane Austen, les femmes ici sont toutes des victimes et les hommes d'horribles salauds. Un peu réducteur mais cela n'empêche pas les sentiments d'exister. Dans cette bulle exclusivement féminine, à travers l'affrontement d' Amy et de sa mère, l'auteur traite du délicat problème de la rivalité entre femmes. Il est aussi question, avec pertinence, de ce qu'une mère transmet de son histoire à sa fille sans le vouloir. Il y a de très jolies pages sur l'éveil de la sensualité chez l'adolescente et d'autres, très émouvantes, sur le désir amoureux refoulé chez la femme esseulée. Un roman à s'offrir entre nanas et à lire gloutonnement le soir quand monsieur dort déjà.

J'ai adoré : l'ambiance de bonnes femmes au bureau avec leurs problèmes et brouilles quotidiennes, les dialogues drôles entre Amy et sa copine Stacy, le besoin de perfection d'Isabelle. Tous ces personnages sont familiers et attachants.

Amy et Isabelle, Elisabeth Strout, Ecriture. Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Suzanne V.Mayoux. 400 p 22 €. En vente sur mon blog via Amazon.fr.

Elizabeth Strout a publié ce roman aux Etats-Unis en 1998 et a été traduit par Plon en 2000. Il s'agit ici d'une réédition par Ecriture. Elizabeth Strout a écrit de nombreux recueils de nouvelles et un roman magnifique Olive Kitteridge courronné par le Prix Pulitzer en 2009 (Le Livre de Poche).